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LA RÉPUBLIQUE IV

gouverner, quoiqu’elle en soit naturellement indigne, et pour bouleverser toute la vie du corps social[1].

Assurément, dit-il.

Et, repris-je, à l’égard aussi des ennemis du dehors, est-ce que ces deux parties ne sont pas les plus propres à veiller au salut de l’âme tout entière et du corps, l’une en délibérant, l’autre en faisant la guerre, en obéissant au chef et en exécutant par son courage les décisions de la première ?

Tu as raison.

C’est, je pense, cette dernière qui vaut à l’individu le nom de courageux, cquand la colère qui est en lui le maintient à travers les peines et les plaisirs soumis aux préceptes de la raison sur ce qui est ou n’est pas à craindre.

C’est juste, dit-il.

Et il est sage par cette petite partie qui a commandé en lui et donné ces préceptes dont je viens de parler, et qui possède d’autre part la science de ce qui est utile à chaque partie et à la communauté qu’elles forment à elles trois.

C’est bien cela.

Et n’est-il pas tempérant par l’amitié et l’harmonie de ces mêmes parties, dquand celle qui commande et celles qui obéissent sont d’accord pour reconnaître que c’est à la raison à commander, et qu’elles ne lui disputent point l’autorité ?

À coup sûr, dit-il, la tempérance n’est pas autre chose que cela, soit dans l’État, soit dans l’individu.

Enfin il sera juste par la raison et de la manière que nous avons plusieurs fois exposées.

  1. Cf. Lois 689 a-b : « À mes yeux, la plus grande ignorance, c’est, quand une chose nous paraît belle ou bonne, de ne pas l’aimer, mais de la haïr, et, quand une chose nous paraît mauvaise et injuste, de l’aimer et de l’embrasser. C’est cette opposition qui est entre la douleur et le plaisir et l’opinion conforme à la raison qui est pour moi le dernier degré de l’ignorance, et je dis que cette ignorance est la plus grande, parce qu’elle réside dans la multitude de notre âme ; et, en effet, ce qui dans notre âme souffre ou jouit est la même chose que le peuple et la multitude dans l’État. Quand donc notre âme se révolte contre la science, le jugement, la raison, qui par nature doivent commander, c’est cela que j’appelle ignorance, et c’est la même ignorance qui fait que dans l’État la multitude n’obéit pas aux magistrats et aux lois et que dans l’individu les bons principes qui sont dans son âme restent sans effet et qu’il fait tout