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LA RÉPUBLIQUE IV

C’est bien ce qu’il faut dire.


XIV  À présent, repris-je, tu vois, si tu m’as bien compris, ce que je voulais dire tout à l’heure : c’est que toutes les choses qui par leur nature sont relatives à un objet, envisagées seules et en elles-mêmes, ne se rapportent qu’à elles-mêmes ; eau contraire envisagées dans leurs rapports à des objets déterminés, elles deviennent des choses déterminées. Je ne veux pas dire par là qu’elles soient telles que les objets auxquels elles se rapportent, que par exemple la science des choses utiles ou nuisibles à la santé soit saine ou malsaine, et celle des maux et des biens, mauvaise ou bonne ; je prétends seulement que, puisque la science médicale n’a pas le même objet que la science en soi, et qu’elle s’est donnée un objet particulier, qui est la santé et la maladie, elle est devenue, par là, elle aussi, une science déterminée, et c’est ce qui lui a fait donner non plus le simple nom de science, mais, en vertu de l’objet spécial qui s’y ajoute, celui de science médicale.

Je comprends, dit-il, et je crois que tu as raison.

439Revenons, dis-je, à la soif. Considérant sa nature, ne la mets-tu pas au nombre de ces choses qui se rapportent à un objet ? car il y a bien n’est-ce pas une soif de quelque chose ?

Oui, dit-il, de la boisson.

Or s’il y a des boissons de telle ou telle espèce, il y aussi une soif de telle ou telle espèce. La soif en soi au contraire n’est pas la soif d’une boisson abondante ou modique, bonne ou mauvaise, en un mot d’une boisson déterminée ; la soif seule et en soi n’a d’autre objet que la boisson en soi.

C’est tout à fait juste.


Distinction de la
concupiscence
et de la raison.

Par conséquent l’âme d’un homme qui a soif ne désire pas, en tant qu’il a soif, bautre chose que de boire : c’est à cela qu’elle tend, à cela qu’elle se porte.

C’est évident.

Donc, s’il arrive que quelque chose retienne l’âme qui a soif, c’est qu’il y a en elle un autre principe que celui-là même qui a soif et qui l’entraîne comme une brute vers le boire ; car il n’est pas possible, nous l’avons reconnu, que