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LA RÉPUBLIQUE IV

Je crois, dis-je, que ce qui reste dans la cité, en dehors des trois vertus que nous avons examinées, tempérance, courage, sagesse, c’est ce qui leur a donné à toutes la puissance de naître, et les conserve une fois nées, tant qu’il demeure en elles. cOr nous avons dit que la vertu qui resterait, quand nous aurions trouvé les trois autres, serait la justice.

En effet, c’est forcé, dit-il.

Mais, repris-je, s’il fallait décider laquelle de ces vertus contribuera le plus par sa présence à la perfection de notre cité, il serait difficile de dire si c’est la conformité d’opinion des gouvernants et des gouvernés, ou le maintien chez les soldats de l’idée légitime de ce qui est à craindre et de ce qui ne l’est pas, dou la prudence et la vigilance dans les chefs, ou si la cause la plus efficace de son excellence ne serait pas la présence de cette vertu par laquelle enfants, femmes, esclaves, hommes libres, artisans, gouvernants et gouvernés font respectivement leur besogne, sans se mêler de celle des autres.

Ce serait difficile à décider, dit-il, assurément. Ainsi donc la force de remplir la tâche que la société impose à chaque individu rivalise, semble-t-il, avec la sagesse, la tempérance et le courage pour le perfectionnement de l’État ?

Certainement, dit-il.

eEt cette force qui concourt avec le reste à la perfection de l’État, n’admets-tu pas que c’est la justice ?

Je l’admets absolument, dit-il.

    καὶ ἑαυτὸν σώφρονι μόνῳ προσήκειν. Dans le langage populaire, σωφροσύνη n’était pas toujours distingué de δικαιοσύνη, et même les philosophes employaient quelquefois les deux mots dans le même sens. Mais dans la République, les deux mots sont distincts ; autrement toute la construction de la cité parfaite s’écroule. La tempérance est essentiellement l’accord des citoyens sur la personne qui doit commander, et la justice consiste à faire son métier et pas d’autre. Cette manière de définir la justice semble très différente de la définition populaire que la justice est de rendre à chacun ce qui lui est dû. Platon après avoir rejeté au Ier livre la définition populaire, y revient ici en disant que les juges empêcheront les citoyens de s’emparer du bien d’autrui ou d’être dépouillés du leur, et il