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LA RÉPUBLIQUE VII

Ils sont d’une beauté achevée, Socrate, s’écria-t-il, tes gouvernants ; un sculpteur ne les ferait pas plus beaux[1].

Les gouvernantes aussi, Glaucon, ajoutai-je : car ne va pas croire que ce que j’ai dit s’applique plus aux hommes qu’aux femmes, du moins à celles qui ont reçu de la nature des aptitudes convenables[2].

C’est juste, dit-il, si tout doit être égal et commun aux deux sexes, comme nous l’avons établi.

dEt maintenant, repris-je, reconnaissez-vous avec moi que notre État et notre constitution ne sont pas de pures chimères, que, si la réalisation en est difficile, elle est possible pourtant, mais seulement, comme nous l’avons dit, quand on verra à la tête de l’État un ou plusieurs philosophes[3], qui, méprisant les honneurs qu’on recherche aujourd’hui et les tenant pour indignes d’un homme libre et dénués de valeur, feront au contraire le plus grand cas du devoir et des honneurs equi en sont la récompense, et, regardant la justice comme la chose la plus importante et la plus nécessaire, se mettront à son service, la feront fleurir et organiseront selon ses lois leur cité ?

De quelle manière ? demanda-t-il.

Tous ceux, répondis-je, qui dans notre État auront dépassé la dixième année, 541ils les relégueront aux champs ; puis ils prendront leurs enfants pour les préserver des mœurs actuelles, qui sont aussi celles des parents, et ils les élèveront conformément à leurs propres mœurs et à leurs propres principes, qui sont ceux que nous avons exposés plus haut. Ce sera le moyen le plus prompt et le plus facile d’établir la constitution que nous avons tracée, dans un État qui sera heureux et comblera de biens la nation qui l’aura vu naître.

  1. Cf. 361 d : « Avec quelle vigueur tu brosses ces deux hommes (le juste et l’injuste), en les épurant comme on lisse une statue ! » Cf. aussi Politique 311 c.
  2. Platon est féministe : il applaudirait aux tendances des États modernes qui font dans presque toutes les professions et dans la politique une place de plus en plus large à la femme.
  3. Platon laisse ouvert le choix entre le gouvernement monarchique et le gouvernement aristocratique Cf. Politique 293 a : « Il suit de là que c’est dans un seul homme, ou deux, ou tout au plus un petit nombre qu’il faut chercher le vrai gouvernement, s’il existe un vrai gouvernement. »