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LA RÉPUBLIQUE VII

de ces parents supposés, à moins qu’il ne fût d’un naturel excellent.

C’est exactement ce qui arriverait, dit-il. Mais par où cette comparaison s’applique-t-elle à ceux qui abordent la dialectique ?

Le voici. Nous avons dès l’enfance sur la justice et l’honnêteté des maximes qui, comme des parents, ont formé nos esprits, et que nous avons l’habitude de suivre et de respecter.

Effectivement.

dIl y a aussi d’autres maximes opposées à celles-là, maximes séduisantes, qui flattent notre âme et l’attirent à elles, mais qui ne persuadent pas les hommes tant soit peu sages, car ce sont ces maximes paternelles qu’ils honorent et qu’ils suivent.

C’est vrai.

Eh bien, repris-je, que l’on vienne demander à un homme ainsi disposé ce que c’est que l’honnête ; quand il aura répondu ce qu’il a appris du législateur, qu’on le confonde et qu’à force de le réfuter en cent manières, on le réduise à penser que l’honnête n’est epas plus l’honnête que son contraire, et qu’il tombe dans la même incertitude au sujet du juste, du bien et des choses qu’il révérait le plus, que deviendront, dès lors, dis-moi, le respect et la soumission qu’il avait pour elles ?

Nécessairement, dit-il, son respect ni sa soumission ne seront plus les mêmes.

Mais, repris-je, quand il ne reconnaîtra plus le prix de ces choses et leur parenté avec son âme, et que d’autre part il ne trouvera pas ce qu’il en faut croire, à quelles maximes de conduite se rangera-t-il naturellement, 539sinon à celles qui le flattent ?

Le contraire n’est pas possible, dit-il.

Dès lors on le verra, je pense, devenir rebelle à la loi, de respectueux qu’il était.

Forcément.

Il n’y a donc, repris-je, rien que de naturel dans ce qui arrive à ceux qui s’adonnent ainsi à la dialectique, et ils sont, comme je le disais tout à l’heure, très excusables.

    pourrais-tu prétendre d’abord que tu n’étais pas à nous, issu de nous, notre esclave, toi-même et tes descendants ? »