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LA RÉPUBLIQUE VII

Non, en effet, dit-il [; il nous suffit d’un nom qui fasse voir clairement notre pensée][1].

Je suis donc d’avis, repris-je, de faire comme nous avons fait précédemment, d’appeler science la première division de la connaissance, 534pensée discursive la deuxième, foi la troisième, conjecture la quatrième, et quant au groupe des deux dernières de lui donner le nom d’opinion, au groupe des deux premières, celui d’intelligence, l’opinion ayant pour objet la génération, l’intelligence, l’essence. Ajoutons que ce que l’essence est par rapport à la génération, l’intelligence l’est par rapport à l’opinion, et que ce que l’intelligence est par rapport à l’opinion, la science l’est par rapport à la foi, et la connaissance discursive par rapport à la conjecture. Quant à la correspondance des choses sur lesquelles sont fondées ces distinctions et à la division en deux de chaque catégorie, celle de l’opinion et celle de l’intelligible, laissons ces questions, pour ne pas nous jeter dans des discours cent fois plus longs que les précédents.

bPour ma part, dit-il, je me rallie à ce que tu as dit tout à l’heure, autant que je suis capable de te suivre.

Appelles-tu aussi dialecticien celui qui atteint à la connaissance de l’essence de chaque chose, et reconnais-tu que celui qui n’y atteint pas a d’autant moins l’intelligence d’une chose qu’il est plus incapable d’en rendre compte à lui-même et aux autres ?

Comment m’y refuserais-je ? dit-il.

Il en est de même du bien. Si un homme ne peut pas définir l’idée du bien, en la distinguant de toutes les autres, s’il ne peut se faire jour, ccomme un brave dans la mêlée, au travers de toutes les objections, en s’appliquant à fonder ses preuves, non sur ce qui paraît, mais sur ce qui est ; s’il ne vient pas à bout de toutes ces difficultés par une infaillible logique, tu ne diras pas qu’un tel homme connaît le bien en soi, ni aucun autre bien, mais que, s’il saisit quelque fantôme du bien, c’est par l’opinion, non par la science qu’il le

    visme ; mais la conséquence que Platon en tire est inverse de celle du positivisme : c’est la philosophie qui est autonome et non la science. »

  1. J’ai donné du texte mis entre deux croix la traduction que demande le passage et que semblent indiquer les mots de cette phrase dont la construction est impossible.