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LA RÉPUBLIQUE VII


La dialectique
a pour terme la
connaissance du bien.

Cela aussi, dit-il, mérite qu’on l’affirme.

bVoici du moins, repris-je, un point que personne ne nous contestera, c’est qu’il n’existe pas d’autre science qui essaie en toute matière de saisir méthodiquement l’essence de chaque chose. En général, les arts ne s’occupent que des opinions et des goûts des hommes, et ils ne se sont développés qu’en vue de la production et de la fabrication, ou de l’entretien des produits naturels ou artificiels. Quant aux autres, qui, comme nous l’avons dit, saisissent quelque chose de l’essence, c’est-à-dire la géométrie et les arts qui s’y rattachent, nous voyons que leur connaissance cde l’être ressemble à un rêve, qu’ils sont impuissants à le voir en pleine lumière, tant qu’ils s’en tiendront à des hypothèses, auxquelles ils ne touchent pas, faute de pouvoir en rendre raison. Or, si l’on prend pour principe une chose que l’on ne connaît pas, et que les conclusions et les propositions intermédiaires soient tissues d’inconnu, on peut bien mettre tout cela d’accord, mais on n’en fera jamais une science. Cela est impossible, dit-il.


XIV  La méthode dialectique est donc, repris-je, la seule qui, rejetant successivement les hypothèses, s’élève jusqu’au principe même dpour assurer solidement ses conclusions, la seule dont il est vrai de dire qu’elle tire peu à peu l’œil de l’âme du grossier bourbier où il est enfoui et l’élève en haut en prenant à son service et utilisant pour cette conversion les arts que nous avons énumérés. Nous leur avons donné plusieurs fois le nom de sciences pour obéir à l’usage ; mais ils devraient porter un autre nom qui impliquerait plus de clarté que celui d’opinion, plus d’obscurité que celui de science[1]. Nous avons admis quelque part plus haut celui de connaissance discursive ; mais ce n’est pas, je pense, le moment de contester sur le nom, quand on a des questions aussi importantes à débattre eque celles que nous nous sommes proposées.

  1. Cf. Brunschvicg, Les Étapes de la philosophie mathématique, p. 55 : « La distinction de la science et de la philosophie est dans la République aussi rigoureuse qu’elle pourra l’être plus tard dans le positi-