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LA RÉPUBLIQUE VII

voisins, et les uns prétendent qu’entre deux sons ils en perçoivent encore un autre, que c’est le plus petit intervalle et qu’il doit servir de mesure ; les autres au contraire soutiennent qu’il est pareil aux sons précédents ; mais les uns comme les autres bfont passer l’oreille avant l’esprit.

Tu parles, dis-je, de ces braves musiciens qui tracassent les cordes, qui les mettent à la question en les tordant sur les chevilles. Je pourrais pousser plus loin cette description, parler des coups d’archet qu’ils donnent aux cordes, des accusations dont ils les chargent, soit qu’elles refusent un son, soit qu’elles l’enflent effrontément ; mais je la laisse, et je déclare que ce n’est point de ceux-là que je veux parler, mais de ceux que nous nous proposions tout à l’heure d’interroger sur l’harmonie[1] ; ccar ils font la même chose que les astronomes : ils cherchent des nombres dans les accords qui frappent l’oreille ; mais ils ne s’élèvent pas jusqu’aux problèmes qui consistent à se demander quels sont les nombres harmoniques et ceux qui ne le sont pas, et d’où vient entre eux cette différence.

Tu parles là, dit-il, d’un travail transcendant.

En tout cas utile, répondis-je, pour découvrir le beau et le bon, mais inutile, si on le poursuit dans une autre vue.

Cela peut bien être, fit-il.


Ces sciences ne sont
que le prélude
de la dialectique.

XIII  Je crois, repris-je, que si, en étudiant toutes ces sciences que nous avons passées en revue, don parvient à découvrir les rapports et la parenté qu’elles ont entre elles, et à démontrer la nature des liens qui les unissent, je crois que cette étude peut contribuer à nous mener à notre but et que nous ne perdrons pas notre peine ; autrement, nous aurons travaillé pour rien.

J’en augure comme toi, dit-il ; mais tu parles là, Socrate, d’un travail infini.

  1. En ce qui concerne la théorie de la musique, il y avait deux écoles rivales, l’école pythagoricienne ou mathématicienne qui identifiait chaque intervalle avec un rapport — elle figurait les intervalles d’octave, de double octave, de quinte, de quarte par les rapports de 3 à 1, de 4 à 2, de 3 à 2, de 4 à 3 — et l’école des musiciens, qui mesurait les intervalles comme multiples ou fractions