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LA RÉPUBLIQUE VII

parmi les premiers ceux qui affectent les sens en produisant deux impressions opposées, et ceux qui n’offrent point cette contradiction parmi ceux qui n’éveillent pas la pensée.

Je comprends maintenant, dit-il, et ton opinion me semble juste.

Et le nombre et l’unité, dans quelle classe les mets-tu ?

Je ne m’en fais pas une idée, répondit-il.

Eh bien, repris-je, juges-en d’après ce que nous avons dit. Si en effet l’unité se laisse bien percevoir telle qu’elle est par les yeux ou par quelque autre sens, eelle ne peut nous pousser vers l’essence, pas plus que le doigt dont nous parlions tout à l’heure ; mais si la vue de l’unité offre toujours quelque contradiction, en sorte qu’elle ne paraît pas plus unité que multiplicité[1], alors on a besoin d’un juge pour en décider ; l’âme en ce cas est forcément embarrassée, et, réveillant en elle l’entendement, elle est contrainte de faire des recherches et de se demander ce que peut être l’unité en elle-même, et c’est ainsi que la perception 525relative à l’unité est de celles qui poussent et tournent l’âme vers la contemplation de l’être.

Cette propriété, la vue de l’unité l’a certes au plus haut point ; car nous voyons la même chose à la fois une et multiple jusqu’à l’infini.

Mais s’il en est ainsi de l’unité, repris-je, il en est de même aussi de tous les nombres ?

Assurément.

Or le calcul et l’arithmétique roulent entièrement sur le nombre ?

Sans contredit.

bAlors ce sont évidemment des sciences propres à conduire à la vérité.

Merveilleusement propres, certainement.

Elles sont donc, semble-t-il, de celles que nous cherchons ; en effet l’étude en est nécessaire à l’homme de guerre pour ranger une armée, et au philosophe aussi, pour atteindre l’essence et sortir de la sphère de la génération, sans quoi il ne sera jamais un véritable arithméticien.

  1. Le Parménide dépassera cette multiplicité de l’unité visible pour traiter un problème supérieur : la multiplicité métaphysique de l’Un en soi. Cf. surtout Parm. 129 b, 144 e.