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LA RÉPUBLIQUE VII

ment ? Sont-ce les arts ? mais nous n’y avons vu que des œuvres mécaniques.

Sans doute ; mais alors quelle autre science reste-t-il, si nous écartons la musique, la gymnastique et les arts ?

Eh bien, dis-je, si nous ne trouvons plus rien à prendre hors de là, prenons une de ces sciences qui s’étendent à tout.

Laquelle ?


L’arithmétique.

cPar exemple cette science générale qui sert à tous les arts, à toutes les opérations intellectuelles, à toutes les sciences et que chacun doit apprendre parmi les premières.

Laquelle ? dit-il.

Cette science très ordinaire, dis-je, qui distingue les nombres, un, deux, trois, en un mot la science des nombres et le calcul[1] ; n’est-elle pas telle que tout art et toute science est forcée d’y recourir ?

Si fait, dit-il.

Même l’art de la guerre ? demandai-je.

Il ne peut s’en passer, répondit-il.

dC’est donc, repris-je, un plaisant général que Palamède nous présente en toute occasion dans les tragédies[2]. en la personne d’Agamemnon ? N’as-tu pas remarqué qu’ayant inventé l’arithmétique, Palamède prétend avoir assigné à l’armée ses emplacements devant Troie et avoir dénombré les vaisseaux et tout le reste, comme si avant lui rien de tout cela n’eût encore été compté, et qu’Agamemnon, à ce qu’il semble, ne sût pas même combien il avait de pieds, puisqu’il ne savait pas compter ? Quelle idée te fais-tu alors d’un pareil général ?

L’idée d’un général singulier, dit-il, si cela était vrai.

  1. Les mathématiciens grecs faisaient une distinction entre la science des nombres (ἀριθμός, ἀριθμητική) et l’art de calculer (λογισμός, λογιστική). C’est sans doute par l’art de calculer que l’éducation commençait. Voyez sur l’état des mathématiques au temps de Platon, Introd. p. lxx sqq.
  2. Platon parle comme s’il était excédé de cette prétention prêtée par les auteurs tragiques à Palamède. Eschyle, Sophocle et Euripide avaient écrit chacun une tragédie de Palamède. Gorgias, dans la Défense de Palamède, lui fait aussi honneur de la découverte de l’arithmétique. Voy. Diels, Vorsokratiker II3, p. 255-264