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LA RÉPUBLIQUE VII

ses images reflétées sur quelque autre point, mais le soleil lui-même dans son propre séjour qu’il pourrait regarder et contempler tel qu’il est.

Nécessairement, dit-il.

Après cela, il en viendrait à conclure au sujet du soleil, que c’est lui qui produit les saisons et les années, qu’il gouverne tout dans le monde visible cet qu’il est en quelque manière la cause de toutes ces choses que lui et ses compagnons voyaient dans la caverne[1].

Il est évident, dit-il, que c’est là qu’il en viendrait après ces diverses expériences.

Si ensuite il venait à penser à sa première demeure et à la science qu’on y possède, et aux compagnons de sa captivité, ne crois-tu pas qu’il se féliciterait du changement et qu’il les prendrait en pitié ?

Certes si.

Quant aux honneurs et aux louanges qu’ils pouvaient alors se donner les uns aux autres, et aux récompenses accordées à celui qui discernait de l’œil le plus pénétrant les objets qui passaient, qui se rappelait le plus exactement ceux qui passaient régulièrement dles premiers ou les derniers, ou ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner celui qui allait arriver, penses-tu que notre homme en aurait envie, et qu’il jalouserait ceux qui seraient parmi ces prisonniers en possession des honneurs et de la puissance ? Ne penserait-il pas comme Achille dans Homère, et ne préférerait-il pas cent fois n’être qu’un valet de charrue au service d’un pauvre laboureur et supporter tous les maux possibles plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme il vivait ?

eJe suis de ton avis, dit-il : il préférerait tout souffrir plutôt que de revivre cette vie-là ?

Imagine encore ceci, repris-je ; si notre homme redescendait et reprenait son ancienne place, n’aurait-il pas les yeux

  1. L’idée que le soleil est cause universelle, les allégoristes la trouvaient déjà dans Homère. « Par la fameuse chaîne d’or, Homère ne veut rien dire d’autre que le soleil, montrant par là clairement qu’aussi longtemps que se meut la sphère céleste et le soleil, tout a l’être et tout le conserve tant chez les dieux que chez les hommes » Théétète 153 c/d (trad. Diès).