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LA RÉPUBLIQUE VI

Point du tout, dit-il.

En tout cas, dis-je, il n’importe guère, à mon avis, que le juste et l’honnête trouvent un gardien, si ce gardien ignore leur rapport avec le bien, et je prédis qu’on ne les connaîtra pas suffisamment, avant de connaître ce rapport.

Ta prédiction est sûre, fit-il.

bNotre constitution sera donc parfaitement organisée, si elle a pour veiller sur elle un gardien qui possède cette connaissance.


Qu’est-ce que le
bien ?

XXIII  Nécessairement, dit-il ; mais toi-même, Socrate, que penses-tu que soit le bien[1] ? science, plaisir ou quelque autre chose ?

Toi, l’ami, répondis-je, je voyais fort bien à l’avance que tu ne serais pas satisfait de l’opinion des autres en cette matière.

C’est qu’aussi il ne me paraît pas raisonnable, Socrate, reprit-il, qu’on soit capable d’exposer les opinions d’autrui, et qu’on ne le soit pas d’exposer les siennes, quand depuis si longtemps on s’occupe de ces matières.

cQuoi donc ? dis-je, trouves-tu raisonnable de parler de ce qu’on ne sait pas comme si on le savait ?

De parler comme si on le savait, non, fit-il ; mais de consentir à parler en homme qui expose sa pensée personnelle, oui.

Hé quoi ! dis-je, ne vois-tu pas que les opinions qui ne s’appuient pas sur la science font toutes piètre figure ? les meilleures d’entre elles sont aveugles ; ou trouves-tu quelque différence entre des aveugles qui vont le droit chemin, et ceux qui ont une opinion vraie de quelque chose sans en avoir l’intelligence ?

Je n’en trouve aucune, dit-il.

Tiens-tu donc à contempler des choses laides, aveugles, tortueuses, dau lieu d’entendre exposer par d’autres des choses éclatantes et magnifiques ?

Au nom de Zeus, Socrate, s’écria Glaucon, ne t’arrête pas

  1. Le bien de Platon (τὸ Πλάτωνος ἀγαθόν) était dans l’antiquité un dicton pour désigner quelque chose d’obscur. La majorité des interprètes s’accordent à présent à identifier le bien de Platon avec