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LA RÉPUBLIQUE VI

sentiment ne peuvent expliquer ce que c’est que l’intelligence et qu’à la fin ils sont réduits à dire que c’est l’intelligence du bien.

Oui, dit-il, et cela est fort plaisant.

Et comment ne serait-ce pas plaisant de leur part de nous reprocher notre ignorance à l’égard du bien et de nous en parler ensuite comme si nous le connaissions ? cIls disent que c’est l’intelligence du bien, comme si nous comprenions ce qu’ils veulent dire, dès qu’ils prononcent le mot de bien.

Rien n’est plus vrai, dit-il.

Mais ceux qui définissent le bien par le plaisir sont-ils moins pleins d’erreur que les autres ? Ne sont-ils pas eux aussi contraints d’avouer qu’il y a des plaisirs mauvais ?

Incontestablement.

Ils doivent donc à mon avis reconnaître que les mêmes choses sont bonnes et mauvaises ; dn’est-ce pas vrai ?

Sans doute.

Aussi voit-on s’élever sur ce point de nombreuses et graves controverses.

Comment en serait-il autrement ?

Mais quoi ! n’est-il pas évident qu’à l’égard du juste et de l’honnête, bien des gens s’en tiennent aux apparences et que ces vertus apparentes ont beau n’être que néant, ils n’en veulent pas moins les pratiquer, les posséder et faire croire qu’ils les possèdent ; qu’à l’égard du bien au contraire personne ne se contente des apparences, mais que tout le monde s’attache à la réalité et ne fait aucun cas de l’apparence ?

Cela est certain, dit-il.

Or ce bien que toute âme poursuit et dont elle fait la fin de tous ses actes, edont elle devine l’importance, sans pouvoir atteindre à la certitude et définir au juste ce qu’il est, ni s’en reposer sur une solide croyance, comme elle le fait à l’égard des autres choses, ce qui lui fait perdre aussi les avantages qu’elle pourrait tirer d’elles, ce bien si précieux, si considérable doit-il, à notre avis, rester couvert des mêmes ténèbres 506pour ces citoyens éminents à qui nous devons tout confier ?

    répond pas à la question : « Ne serait-ce pas ridicule d’appliquer tous ses efforts, etc. ? » C’est sans doute la glose d’un moine qui approuvait l’idée de Platon.