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LA RÉPUBLIQUE VI

Ceux qui ont de la facilité à apprendre, de la mémoire, de la sagacité, de la vivacité et toutes les qualités analogues n’y joignent pas d’habitude, tu le sais, la force et la grandeur d’âme qui les rendraient capables de mener une vie réglée, calme et constante, mais ils sont emportés au hasard par leur vivacité et perdent toute stabilité[1].

C’est vrai, dit-il.

D’un autre côté, ces caractères solides et inébranlables, sur lesquels on peut compter davantage, dqui à la guerre sont peu sensibles à la crainte, se comportent de même à l’égard des études ; ils sont lourds et lents à apprendre ; on les dirait engourdis ; ils ne font que dormir et bâiller, quand ils se trouvent en présence d’un travail intellectuel.

C’est bien cela, fit-il.

Or nous avons dit, nous, que nos magistrats devaient être avantageusement partagés des deux côtés, que sans cela il ne fallait pas les faire participer à l’éducation complète, ni les élever aux honneurs et au commandement.

Et nous avons eu raison, dit-il.

Ne crois-tu pas qu’un tel assemblage d’aptitudes sera chose rare ?

Comment pourrait-il en être autrement ?

eIl faut donc les soumettre d’abord aux épreuves que nous avons énumérées tout à l’heure, travaux, périls, plaisirs ; il faut en outre, prescription que j’avais omise alors, que j’ajoute à présent, il faut les exercer dans un grand nombre de sciences, pour voir si leur esprit est capable de soutenir les plus hautes études, 504ou s’ils perdront courage, comme ceux qui abandonnent la partie dans les luttes gymniques.

Incontestablement, dit-il, c’est une épreuve qu’il faut faire. Mais quelles sont ces hautes études dont tu parles ?


XVI  Tu te souviens sans doute, repris-je, qu’après avoir

  1. Platon veut dire que l’intelligence naturelle et la vivacité d’esprit vont rarement de pair avec la fermeté morale. On ne peut mieux commenter sa pensée qu’en rappelant la différence de caractère qui distinguait les Athéniens des Spartiates, les uns ne se reposant jamais et ne laissant personne en repos, les autres si lents à se mettre en mouvement qu’une agression pouvait à peine les réveiller de leur apathie. Voir Thucydide I, 70.