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LA RÉPUBLIQUE VI

sciences et de quels exercices se formeront les conservateurs de la constitution et à quel âge ils s’appliqueront à chaque étude.

Abordons, dit-il.

C’est en vain, repris-je, que j’ai usé d’adresse en passant sous silence précédemment l’épineuse question de la possession des femmes, de la procréation des enfants et de l’établissement des magistrats, sachant combien la vérité complète soulèverait de protestations et serait difficile à mettre en pratique ; ecar à présent la nécessité d’en parler n’en est pas moins venue. Il est vrai que nous avons épuisé la question des femmes et des enfants ; mais il faut reprendre celle des magistrats pour ainsi dire par le début[1]. Nous avons dit, si tu t’en souviens, 503qu’ils devaient faire éclater leur amour de la patrie dans l’épreuve du plaisir et de la douleur, et ne jamais se laisser surprendre à répudier ce principe ni dans les travaux, ni dans les périls, ni dans aucun changement de position ; qu’il fallait exclure celui qui succomberait à ces épreuves, mais établir comme magistrat celui qui en serait toujours sorti pur comme l’or éprouvé dans le feu, et lui donner des privilèges et des récompenses de son vivant et après sa mort. Voilà à peu près ce que j’ai dit, en biaisant et enveloppant mes termes, bdans la crainte de soulever la discussion présente.

Tu dis vrai, dit-il, je m’en souviens.

J’hésitais en effet, mon ami, à faire l’audacieuse déclaration que je viens de faire ; mais à présent ratifions notre audace et disons que les gardiens parfaits ne pourront être que des philosophes.

Osons le dire, fit-il.

Remarque combien vraisemblablement le nombre en sera petit ; car étant donné le naturel que nous exigeons des philosophes, les qualités qui le composent naissent rarement ensemble sur le même tronc ; elles poussent ordinairement sur des troncs séparés.

cComment l’entends-tu ? demanda-t-il.

  1. Platon a traité de l’éducation morale des gouvernants par la musique et la gymnastique ; mais il n’a rien dit de leur éducation intellectuelle, qui doit se superposer à l’autre.