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LA RÉPUBLIQUE VI


Possibilité d’un
État gouverné par
par les philosophes.

XIV  Admettons donc, repris-je, que nous les avons gagnés à notre opinion. Maintenant peut-on contester qu’il ne puisse naître quelques fils de rois ou de chefs d’État héréditaires avec le naturel philosophique ?

Il n’y a pas un seul homme qui pût le contester, dit-il.

Peut-on dire que, lors même qu’ils naîtraient avec ce naturel, c’est une nécessité inévitable qu’ils se gâtent ? Nous convenons nous-mêmes qu’il est difficile qu’ils se sauvent ; mais que dans tout le cours des âges bil n’y ait jamais entre tous un seul qui se sauve, est-il un homme qui le soutiendra ?

Comment le soutiendrait-il ?

Eh bien, repris-je, il suffit qu’il s’en sauve un seul et qu’il ait des sujets obéissants pour qu’il réalise tout ce qui passe aujourd’hui pour incroyable.

Cela suffit en effet, dit-il.

Et s’il arrive qu’un chef d’État établisse les lois et les institutions dont nous avons parlé, il n’est assurément pas impossible que les citoyens consentent à s’y soumettre.

Pas le moins du monde.

Et ce que nous approuvons, est-il étrange et impossible que d’autres aussi l’approuvent ?

cJe ne le pense pas, dit-il.

Or que notre projet soit le meilleur, si toutefois il est réalisable, nous l’avons, je crois, suffisamment démontré précédemment.

Oui, suffisamment.

Dès lors nous pouvons, ce semble, conclure que notre plan de législation, s’il est réalisable, est le meilleur, et que, si l’exécution en est difficile, du moins n’est-elle pas impossible[1].

Nous le pouvons en effet, dit-il.


Formation des gardiens.

XV  Puisque nous sommes arrivés, non sans peine, au terme de cette discussion, abordons ce qui nous reste à traiter, dc’est-à-dire de quelle manière et à l’aide de quelles

  1. Cf. 450 c/d « On ne croira pas que mes idées soient réalisables, et, en admettant qu’elles le soient, on doutera encore qu’elles soient les meilleures. » Platon se rendait bien compte de la hardiesse de ses idées.