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LA RÉPUBLIQUE VI

Comment ?

À présent, dis-je, ceux mêmes qui abordent cette étude sont des adolescents à peine 498sortis de l’enfance qui s’en occupent avant d’aborder l’économie domestique et le commerce, et qui s’en éloignent, quand ils approchent de la partie la plus difficile, et ce sont ceux qu’on donne pour des philosophes accomplis. Quant à cette partie la plus difficile, c’est la dialectique que je veux dire. Dans la suite ils croient faire beaucoup en acceptant d’assister à des conférences philosophiques lorsqu’ils en sont priés ; ils sont persuadés que la philosophie ne doit être qu’un passe-temps. À l’approche de la vieillesse, à l’exception d’un petit nombre, ils s’éteignent beaucoup plus complètement que le soleil d’Héraclite[1], bd’autant qu’ils ne se rallument plus.

Et comment faut-il faire ?

Tout le contraire. Dans la jeunesse et l’enfance, c’est une instruction et une philosophie appropriée au jeune âge qu’il faut leur donner ; il faut surtout prendre soin de leur corps dans le temps qu’il croît et approche de la virilité, afin d’avoir en lui un bon serviteur de la philosophie ; puis, quand vient l’âge où l’âme est près d’atteindre son plein développement, il faut renforcer les exercices qui lui conviennent ; cenfin, quand les forces manquent et interdisent aux citoyens la politique et la guerre, il faut les laisser, comme des animaux sacrés, paître en liberté[2], sans autre occupation sérieuse que la philosophie, si l’on veut qu’ils vivent heureux et qu’après leur mort ils couronnent là-bas le bonheur de leur vie par une félicité qui y réponde.


XII  Je le reconnais, Socrate, dit-il, tu parles vraiment avec chaleur. Je crois néanmoins que la plupart de tes auditeurs sont disposés à te résister avec plus de chaleur encore et qu’ils refuseront absolument de te croire, Thrasymaque tout le premier.

N’essaye pas, répondis-je, de mettre la brouille entre

  1. On sait qu’Héraclite regardait le soleil comme un feu qui s’éteint tous les soirs et se rallume tous les matins : νέος ἐφ' ἠμέρῃ ἡλιος (fr. 82).
  2. Il s’agit des troupeaux consacrés à quelque divinité. Platon avait employé la même métaphore Protag. 820 à propos de Périclès qui laisse ses fils « courir et paître en liberté, pour voir si d’eux-mêmes ils tomberont sur la vertu ».