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LA RÉPUBLIQUE VI

C’est étrange à entendre, dit-il.

cD’autres choses encore, dis-je, pervertissent l’âme et l’arrachent à la philosophie ; c’est tout ce qu’on regarde comme des biens : la beauté, la richesse, la force du corps, les grandes alliances dans l’État et autres avantages semblables. Tu as là une idée générale de ces causes dont je veux parler.

Oui, dit-il ; mais j’aimerais en avoir une explication plus précise.

Considère, dis-je, ce qu’est la perversion en général ; alors la lumière se fera dans ton esprit, et tu ne trouveras plus rien d’étrange dans ce que j’ai dit tout à l’heure à ce sujet.

Comment veux-tu que je m’y prenne ? demanda-t-il.

dNous savons, repris-je, que toute semence ou rejeton de plante ou d’animal qui ne rencontrent pas la nourriture, ni la saison, ni l’endroit qui leur conviennent, souffrent d’autant plus de la privation de ces avantages qu’ils sont plus vigoureux[1], parce que le mal est plus contraire à ce qui est bon qu’à ce qui n’est pas bon.

Cela est certain.

Il est donc logique, je crois, que le meilleur naturel nourri autrement qu’il ne convient devienne pire qu’un naturel médiocre.

C’est logique.

eAffirmons donc également, Adimante, repris-je, que les âmes les mieux douées, si elles rencontrent une mauvaise éducation, deviennent éminemment mauvaises. Crois-tu en effet que les grands crimes et la méchanceté consommée partent d’une âme médiocre, et non d’une nature forte que l’éducation a gâtée, et qu’une nature faible soit jamais capable de grands biens et de grands maux ?

Non, dit-il ; je suis de ton avis.

492En conséquence si le naturel philosophe que nous avons défini rencontre l’enseignement qui lui convient, c’est, à

  1. Cf. Mémorables IV, 1, 3-4 : « Les hommes les mieux doués par la nature, qui ont les âmes les plus fortes et qui sont les plus ardents à l’exécution de leurs desseins, s’ils ont reçu de l’éducation et appris leur devoir, deviennent les meilleurs et les plus utiles, car ils font très souvent de grandes choses ; mais s’il » manquent d’éducation et d’instruction, ils deviennent les plus mauvais et les plus nuisibles. »