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LA RÉPUBLIQUE VI

acquiescer à nos raisons, mais que si, dlaissant de côté les discours, on considérait la personne même des philosophes en question, on serait autorisé à soutenir qu’on voit bien que parmi eux les uns sont inutiles, et la plupart des autres entièrement dépravés. Dès lors nous nous sommes mis à chercher la cause de cette accusation, et nous sommes arrivés à présent à cette question : pourquoi la plupart sont méchants. Et voilà pourquoi nous avons repris le caractère du vrai philosophe et pourquoi nous avons dû le définir à nouveau.

eC’est bien cela, dit-il.


VI  Il faut maintenant, repris-je, considérer les causes qui dénaturent ce caractère, comment il se gâte en beaucoup de gens, et combien peu échappent à la corruption ; et ce sont ceux-là mêmes qu’on traite non de méchants, mais d’inutiles. 491Nous considérerons ensuite ceux qui contrefont ce naturel et en usurpent l’office, et nous verrons quelle est la nature de ces âmes qui, abordant une profession dont elles sont indignes et qui est au-dessus de leur portée, ont, par leurs incartades multipliées, attaché à la philosophie le décri universel dont tu as parlé.

Quelles sont, demanda-t-il, ces causes de corruption ?


Le milieu où il vit
gâte le naturel
du philosophe.

Je vais, dis-je, essayer de te les développer, si j’en suis capable. Voici d’abord, je crois, un point que tout le monde nous accordera : c’est que des naturels de cette sorte, doués de toutes les qualités que nous venons d’exiger chez celui qui veut devenir bun philosophe accompli, apparaissent rarement chez les hommes et sont en petit nombre. Ne le crois-tu pas ?

J’en suis convaincu.

Or vois combien de causes, et de causes puissantes conspirent à corrompre ce petit nombre.

Lesquelles ?

Ce qu’il y a au monde de plus étrange à dire, c’est qu’il n’est pas une des qualités que nous avons admirées dans ce naturel, qui ne perde l’âme qui en est douée et ne l’arrache à la philosophie, je veux dire le courage, la tempérance et toutes les qualités que nous avons énumérées.