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LA RÉPUBLIQUE VI

C’est bien cela.

Voici encore un autre point qu’il faut examiner, si l’on veut discerner 486les natures philosophiques de celles qui ne le sont pas.

Lequel ?

C’est que l’âme ne recèle en elle aucune bassesse, la petitesse d’esprit étant incompatible avec une âme qui doit tendre sans cesse à embrasser l’ensemble et l’universalité des choses divines et humaines[1].

Rien de plus vrai, dit-il.

Mais quand on est doué d’un esprit sublime et que l’on contemple l’ensemble des temps et l’ensemble des êtres, crois-tu qu’on puisse regarder la vie humaine comme une chose de grande importance ?

Impossible, dit-il.

bUn tel homme ne regardera donc pas la mort comme une chose à craindre ?

Pas du tout.

Un naturel lâche et bas ne saurait donc, semble-t-il, avoir part à la vraie philosophie ?

Non, à ce qu’il me semble.

Mais si l’on est réglé, exempt de cupidité, de bassesse, de vanité, de lâcheté, est-il possible qu’on soit difficile à vivre ou injuste ?

Non.

Quand donc tu voudras discerner l’âme philosophique de celle qui ne l’est pas, tu prendras garde si dès les premières années elle est juste et douce, ou insociable et sauvage.

Oui.

cTu ne négligeras pas non plus ceci, je pense ?

Quoi ?

Si elle a de la facilité ou de la difficulté à apprendre. Peut-on s’attendre en effet que jamais un homme prenne sérieusement goût à une étude qui l’ennuie et où il avance peu en dépit de ses efforts ?

  1. Platon a dit de même dans le Théétète 178 e, en parlant du philosophe : « Sa pensée, pour qui tout cela n’est que mesquinerie et néant, dont elle ne tient compte, promène partout son vol, comme dit Pindare, « sondant les abîmes de la terre », et mesurant ses étendues, etc. » (trad. Diès).