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LA RÉPUBLIQUE VI

essence, qui n’ont dans l’âme aucun modèle clair, et ne peuvent pas regarder, à la manière des peintres, la vérité idéale, s’y rapporter sans cesse, et prendre d’elle la vue la plus exacte possible, dpour établir ensuite ici-bas les lois du beau, du juste et du bon, si elles sont encore à faire, et si elles sont déjà établies, pour les conserver par une garde fidèle ?

Non, par Zeus, répondit-il, je n’y vois pas grande différence.

Est-ce eux que nous établirons gardiens de préférence, ou ceux qui connaissent l’être de chaque chose, et qui d’ailleurs ne leur cèdent en rien pour l’expérience et ne leur sont inférieurs en aucun genre de mérite ?

À coup sûr, dit-il, il serait absurde d’en choisir d’autres, s’ils ne leur cèdent en rien ; car ils ont sur eux l’avantage de cette connaissance qui est bien le point le plus important.

485Ne faut-il pas dire maintenant par quel moyen ils pourront joindre l’expérience à la spéculation ?

Si.

Comme nous le disions au début de cet entretien, il faut d’abord connaître à fond leur nature, et je crois que, quand nous serons bien d’accord sur ce point, nous conviendrons aussi que les mêmes hommes peuvent réunir ces avantages, et qu’il ne faut pas mettre d’autres guides qu’eux à la tête de l’État.

Comment cela ?


Autres qualités
du philosophe.

II  Convenons d’abord que les esprits philosophiques bsont toujours épris de la science qui peut leur dévoiler quelque chose de cette essence éternelle, inaccessible aux vicissitudes que produisent la génération et la corruption[1].

Nous en convenons.

En outre, continuai-je, qu’ils aiment l’essence tout entière, et qu’ils ne renoncent volontairement à aucune de ses parties, petite ou grande, précieuse ou de faible valeur, suivant l’exemple des ambitieux et des amoureux dont nous avons parlé précédemment.

  1. La génération donne aux objets copiés sur l’Idée une forme déterminée (homme, cheval, pierre), que la corruption détruit pour lui en substituer une autre.