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LA RÉPUBLIQUE V

tude ni comme étant, ni comme n’étant pas, ni comme étant les deux choses à la fois, ni comme n’étant ni l’une ni l’autre.

Sais-tu donc, repris-je, ce qu’il en faut faire ? Peut-on mieux les placer qu’entre l’être et le néant ? Car on n’y trouve pas plus d’obscurité que dans le néant, pour les déclarer plus inexistantes que le néant, ni plus de lumière que dans l’être, dpour les déclarer plus existantes que l’être.

C’est très vrai, dit-il.

Nous avons donc trouvé, ce semble, que les idées variées que la foule se fait de la beauté et des autres qualités semblables roulent pour ainsi dire dans l’espace qui sépare le néant de l’être absolu.

Nous l’avons trouvé.

Mais nous sommes convenus d’avance que, si nous trouvions des choses de cette nature, il faudrait dire qu’elles relèvent de l’opinion, non de la science ; car c’est la faculté intermédiaire qui saisit les choses qui flottent entre les deux extrêmes.

Nous en sommes convenus.

Nous dirons donc de ceux qui regardent la multitude des belles choses, emais ne voient pas la beauté en soi et sont incapables de suivre celui qui voudrait les amener jusqu’à elle, qui regardent la multitude des choses justes, mais ne voient pas la justice en soi, et ainsi du reste, nous dirons d’eux qu’ils n’ont sur toutes choses que des opinions, mais que des objets de leurs opinions ils n’ont aucune connaissance.

C’est indubitable, dit-il.

Mais que dire de ceux qui contemplent les choses en soi et toujours identiques à elles-mêmes ? ne s’élèvent-ils pas jusqu’à la connaissance, au lieu de s’en tenir à l’opinion ?

C’est également indubitable.

Nous dirons donc que ceux-ci embrassent et aiment les choses qui sont l’objet de la science, 480et ceux-là celles qui sont l’objet de l’opinion. Tu te rappelles sans doute que nous avons dit de ces derniers qu’ils se plaisent à entendre de belles voix, à regarder de belles couleurs et toutes les beautés du même genre, mais qu’il ne peuvent souffrir qu’on leur présente la beauté en soi comme une chose réelle. Je me le rappelle.

    τε κοὐ λίτῳ βάλοι τε κοὐ βάλοι, dont l’interprétation est : un eunuque