est une ; mais, comme elles apparaissent partout mélangées aux actions, aux corps, et entre elles-mêmes, chacune d’elles a des aspects multiples.
C’est juste, dit-il.
C’est sur cette observation, repris-je, que je fonde ma distinction : je mets d’un côté ceux que tu appelais tout à l’heure amateurs de spectacles, amis des arts et hommes d’action, bet de l’autre ceux dont nous parlons, qui seuls méritent le nom de philosophes[1].
Explique ta pensée, dit-il.
Les amateurs de sons et de spectacles, repris-je, se délectent des belles voix, des belles couleurs, des belles formes et de tous les ouvrages où se manifeste la beauté ; mais leur esprit est incapable d’apercevoir et d’aimer la nature du beau en soi.
C’est ainsi, en effet, dit-il.
Mais ceux qui sont capables de s’élever jusqu’au beau en soi et de le contempler dans son essence, ne sont-ils pas rares ?
cCertes si.
La science
et l’opinion.
Si un homme reconnaît qu’il y a de belles choses, mais ne croit pas à l’existence de la beauté en soi et se montre incapable de suivre celui qui voudrait lui en donner la connaissance, crois-tu qu’il vive réellement, ou que sa vie ne soit qu’un rêve ? Prends garde à ce que c’est que rêver. N’est-ce pas, soit en dormant, soit en veillant, prendre un objet qui ressemble à un autre, non point pour l’image de cet objet, mais pour l’objet lui-même auquel il ressemble ?
Pour moi du moins, dit-il, c’est ce que j’appelle rêver.
Au contraire, celui qui reconnaît l’existence de la beauté absolue et qui est capable dd’apercevoir à la fois cette beauté et les choses qui en participent, sans confondre ces choses avec le beau ni le beau avec ces choses, sa vie te semble-t-elle une réalité ou un rêve ?
Bien certainement, dit-il, c’est une réalité.
- ↑ Voici la première apparition de la théorie des Formes ou Idées. Platon n’entreprend pas d’en prouver la vérité ; il s’adresse à Glaucon comme un platonicien à un platonicien. On voit qu’au temps où la République fut composée, la théorie était déjà familière à l’école de Platon.