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LA RÉPUBLIQUE V

Et nous aurons raison de le dire.

Mais si un homme est tout disposé à goûter à toutes les sciences, se porte volontiers à l’étude et y montre une ardeur insatiable, celui-là, n’aurons-nous pas raison de l’appeler philosophe ? Qu’en dis-tu ?


Distinction
entre le philosophe
et le curieux.

dEt Glaucon répondit : À t’entendre, beaucoup de gens, et des gens bien singuliers, qui répondent à ce modèle ; il me semble en effet que tous les coureurs de spectacles sont de ceux-là par le plaisir qu’ils ont d’apprendre ; il y a aussi les amateurs d’auditions qu’il serait fort étrange de ranger parmi les philosophes, gens qui ne se dérangeraient pas volontiers pour entendre des discours et un entretien comme celui-ci, mais qui courent partout, comme s’ils avaient loué leurs oreilles, pour écouter tous les chœurs des Dionysies[1], sans en manquer un seul ni à la ville ni à la campagne. Est-ce que tous ces gens-là et tous ceux qui s’appliquent eà des futilités pareilles et à des arts infimes méritent, selon toi, le nom de philosophes ?

Nullement, dis-je : ils n’en ont que l’apparence.


XX  Mais les vrais philosophes, demanda-t-il, qui sont-ils selon toi ?

Ceux qui aiment à contempler la vérité, répondis-je.

C’est fort bien, fit-il ; mais explique ta pensée.

Ce ne serait pas du tout facile, dis-je, vis à vis d’un autre ; mais toi, je crois que tu m’accorderas ce point ?

Lequel ?

476Que le beau, étant le contraire du laid, ils sont deux.

Sans contredit.

Et puisqu’ils sont deux, que chacun d’eux est un. Je te l’accorde aussi.

Il faut en dire autant du juste et de l’injuste, du bon et du mauvais et de toutes les idées ; chacune prise en soi

  1. Les Dionysies rurales se célébraient en Attique au mois de Poséidon (décembre) dans maints bourgs, comme Éleusis, Phlya, etc. Des prix étaient offerts par les différents dèmes, et des compagnies semblent s’être formées à Athènes pour voyager à travers le pays et prendre part à ces concours provinciaux.