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LA RÉPUBLIQUE V

se rapportent à deux sortes de différends, et ces deux choses sont, je crois, d’un côté la parenté et la communauté d’origine, de l’autre la différence de race et de sang ; l’inimitié entre parents s’appelle discorde, entre étrangers, guerre.

Cette distinction, dit-il, est fort exacte.

cVois si ce que je vais dire est exact aussi. Je soutiens que les peuples grecs sont unis par la parenté et la communauté d’origine[1], et diffèrent des barbares par la race et le sang.

Tu as raison, dit-il.

Quand donc les Grecs se battront avec les barbares et les barbares avec les Grecs, nous dirons qu’ils se font la guerre, qu’ils sont naturellement ennemis, et cette inimitié méritera le nom de guerre ; mais que des Grecs se battent avec des Grecs, quand nous verrons cela, nous dirons qu’ils n’en sont pas moins naturellement amis, mais qu’en ce cas la Grèce est malade et en discorde, det ce nom de discorde est celui qui s’applique à une telle inimitié.

J’en conviens dit-il : mes vues sur ce point sont les tiennes.


La guerre entre
Grecs.

Considère donc les choses, repris-je, à la lumière de la définition que nous venons d’admettre. Partout où la discorde s’élève et où l’État est divisé, si chacun des deux partis ravage les champs et brûle les maisons de l’autre, vois combien elle paraît funeste et suppose dans les deux partis peu d’amour de la patrie ; autrement ils n’oseraient jamais déchirer ainsi leur nourrice et leur mère. Ce qui est raisonnable, c’est que les vainqueurs enlèvent la récolte des vaincus et qu’ils pensent qu’ils se réconcilieront eensemble et ne seront pas toujours en guerre.

Cette façon de penser témoigne beaucoup plus d’humanité que l’autre.

Mais quoi ? repris-je, l’État que tu veux fonder ne sera-t-il pas un État grec ?

Nécessairement, répondit-il.

Les citoyens n’en seront-ils pas bons et doux ?

  1. Les Grecs ont toujours senti leur communauté d’origine, mais sans s’élever toujours au-dessus des dissentiments qui divisaient les différents États. Platon, comme Cimon, comme Isocrate, avait en politique un idéal panhellénique.