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LA RÉPUBLIQUE V

Pas du tout.

Eh bien, s’il est un cas où il faille l’affronter, n’est-ce pas quand on en sortira meilleur, si l’on réussit ?

Évidemment si.

cOr crois-tu que c’est un avantage médiocre et qui ne vaut pas le risque où l’on s’expose, que de faire voir la guerre dès leur enfance à ceux qui seront un jour des hommes de guerre ?

Non, l’avantage est important au point de vue où tu le places.

Il faut donc s’arranger pour donner aux enfants le spectacle de la guerre, en pourvoyant d’ailleurs à leur sûreté, et ce sera parfait, n’est-ce pas ?

Oui.

Tout d’abord, repris-je, leurs pères ne seront-ils pas aussi habiles qu’il est possible à l’homme, et ne seront-ils pas aptes à reconnaître dles expéditions périlleuses et celles qui ne le sont pas ?

C’est vraisemblable, dit-il.

Ils les mèneront donc aux unes, et se garderont de les exposer aux autres.

C’est juste.

Et pour les commander, repris-je, ils ne prendront pas les moins capables, mais ceux qui par leur expérience et leur âge seront de bons guides et de bons gouverneurs.

C’est ce qu’il convient de faire.

Nous avouerons en effet que les choses tournent souvent autrement qu’on ne s’y attend.

Oui, certes.

Pour les prémunir contre les surprises de cette sorte, il faut, ami, leur donner des ailes dès l’enfance, afin qu’ils puissent au besoin s’échapper en volant.

eQue veux-tu dire ? demanda-t-il.

Il faut, dis-je, les faire monter à cheval le plus tôt possible, et quand on leur aura appris l’équitation, les mener voir la guerre, non sur des chevaux ardents et belliqueux,

    des peuples de l’Asie, lorsqu’ils vont à la guerre d’emmener avec eux leur biens les plus précieux ; ils prétendent qu’à la vue de ce qu’ils ont de plus cher ils combattent plus vaillamment ; car ils sont forcés, disent-ils, de le défendre avec plus de cœur. » Tacite, Germ. 7, dit la même chose des Germains.