Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
466 d
77
LA RÉPUBLIQUE V

cela elles feront ce qu’il y a de mieux à faire, et qu’elles ne contrarieront pas l’ordre que la nature a établi entre l’homme et la femme, dans les choses où les deux sexes sont faits pour s’associer ensemble ?

Je l’accorde dit-il.


XIV  Ainsi, dis-je, il ne reste plus qu’à reconnaître s’il est possible d’établir chez les hommes cette communauté qui existe chez les autres animaux et par quel moyen cela est possible.

Tu m’as prévenu, dit-il : j’allais t’en parler.


Éducation
guerrière
des enfants.

ePour ce qui est de la guerre, repris-je, on voit assez, je pense, comment ils la feront.

Comment ? demanda-t-il.

Ils la feront en commun, et de plus ils y mèneront ceux de leurs enfants qui seront assez forts pour les suivre, afin que, comme les enfants des artisans, ils voient faire ce qu’il leur faudra faire quand ils seront grands ; non contents de regarder, 467ils feront aussi l’office d’intermédiaires et d’assistants en tout ce qui a rapport à la guerre, et ils serviront leurs pères et mères. N’as-tu pas remarqué ce qui se pratique dans les autres métiers, combien de temps par exemple les fils des potiers[1] servent et regardent avant de fabriquer eux-mêmes ?

Si fait.

Eh bien, les potiers doivent-ils mettre plus de soin que les gardiens à former leurs enfants par l’expérience et la vue de ce qu’il faut faire ?

Ce serait vraiment ridicule, répondit-il.

D’ailleurs tout animal combat avec bien plus de courage lorsque bses petits sont présents[2].

C’est vrai ; mais le danger, Socrate, n’est pas mince en cas d’échec, et le cas n’est pas rare à la guerre : si en effet ils entraînent leurs enfants dans leur perte, ils mettent l’État dans l’impuissance de s’en relever.

Tu dis vrai, répondis-je, mais tout d’abord penses-tu qu’il faut s’arranger pour ne jamais affronter le danger ?

  1. Les métiers n’étaient pas forcément héréditaires chez les Grecs. Voyez Glotz, Histoire grecque II, p. 408.
  2. Cf. Xén., Cyr., IV, 3, 2 : « C’est encore aujourd’hui la coutume