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LA RÉPUBLIQUE V

De toute manière les lois assureront la paix entre nos guerriers.

Une paix profonde.

Mais s’ils ne connaissent pas la discorde entre eux, il n’est pas à craindre que le reste de la cité soit en dissension avec eux ou avec elle-même.

Non certes.

cQuant aux petits maux dont ils seront exempts, il sied à peine d’en parler et j’hésite à le faire : pauvres, ils n’auront pas à flatter les riches ; ils ne seront pas en butte à la gêne et aux peines qu’entraînent l’éducation des enfants et le soin d’amasser de l’argent pour l’indispensable entretien des serviteurs, et pour cela tantôt d’emprunter, tantôt de nier leurs dettes[1], tantôt de se procurer à tout prix des provisions pour les déposer entre les mains des femmes et des domestiques et leur en confier l’administration, et tous les inconvénients de toute sorte, cher ami, que tous ces soins occasionnent, inconvénients visibles, vils et indignes qu’on en parle.


Bonheur
des gardiens.

dXIII  Ils sont visibles en effet, dit-il, même pour un aveugle.

Exempts de toutes ces misères, nos guerriers mèneront une vie plus heureuse que la bienheureuse vie des vainqueurs d’Olympie.

Comment ?

C’est que ces vainqueurs n’ont qu’une petite partie des avantages dont jouissent nos guerriers ; car la victoire de ceux-ci est plus belle et l’entretien qu’ils reçoivent du public, plus complet ; en effet, en remportant la victoire, ils sauvent l’État tout entier, et en guise de couronne ils reçoivent, eux et leurs enfants, la nourriture et tout ce qui est nécessaire à leur entretien, eet de leur vivant la cité les comble d’honneurs, et, après leur mort, leur donne un tombeau digne d’eux.

  1. Ces traits sont empruntés visiblement aux mœurs des pauvres gens d’Athènes. Cf. Aristophane, Nuées 1172 sqq. : » On lit sur ton visage l’habitude de nier, de contredire ; on y voit déjà briller clairement cette phrase qui sent son barreau : « Comment dis-tu ? » et cette impudence à se faire passer pour victime quand on est évidemment l’offenseur. Il y a même dans ton regard quelque chose d’attique. »