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LA RÉPUBLIQUE V

dleur adresse à ce qu’aucune ne reconnaisse son enfant[1] ; si les mères ne peuvent allaiter, ils amèneront d’autres femmes ayant du lait ; et même pour celles qui le peuvent, ils auront soin que l’allaitement ne dure que le temps voulu ; ils les déchargeront d’ailleurs des veilles et des autres soins sur des nourrices et des gouvernantes.

Tu rends, dit-il, la maternité facile aux femmes des gardiens.

C’est ce qu’il convient de faire, dis-je ; mais poursuivons l’examen de notre sujet. Nous avons dit que les enfants devaient être faits par des gens dans la force de l’âge[2].

C’est vrai.

eNe crois-tu pas avec moi que la durée ordinaire de cette force est de vingt années pour la femme, et de trente pour l’homme ?

Quelles sont ces années ? demanda-t-il.

La femme, répondis-je, donnera des enfants à l’État à partir de sa vingtième année jusqu’à la quarantième, et l’homme, après avoir passé « le temps de sa plus fougueuse ardeur à la course », procréera pour la cité jusqu’à cinquante-cinq ans[3].

461C’est en effet pour les deux sexes, dit-il, le temps où le corps et l’esprit sont dans toute leur force.

Si donc un homme au-dessus ou au-dessous de cet âge se mêle de procréer pour l’État, nous déclarerons qu’il a péché contre la religion et la justice, en faisant à l’État un enfant dont la conception subreptice n’aura pas été accompagnée des sacrifices et des prières que les prêtres et les prêtresses et tout le corps de l’État feront à chaque mariage, pour qu’il naisse des hommes d’élite des enfants meilleurs encore, et des hommes utiles au pays des enfants plus utiles encore,

  1. Aristote (Pol. b 3, 1262a 14 sqq.) objecte qu’aucune précaution n’empêchera les parents de reconnaître à l’occasion leurs enfants ; car il y a parfois des ressemblances parlantes entre les parents et les enfants.
  2. C’était le principe observé à Sparte. Cf. Xén., Rép. des Lacéd. I, 6 et Plut. Lyc. 16, XV, 4.
  3. Faire des enfants pour l’État, tel était le but du mariage à Sparte. Cf. Plut. Pyrrh. XXVIII, 5 τῶν δὲ πρεσβυτέρων τινὲς ἐπηκολούθουν βοῶντες· Οἶχε, Ἀκρότατε, καὶ οἶφε τὰν Χιλωνίδα· μόνον παῖδας ἀγαθοὺς τᾷ Σπάρτᾳ ποίει.