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LA RÉPUBLIQUE V

Ce serait absurde, dit-il.

Grands dieux ! cher Glaucon, m’écriai-je ; quels hommes supérieurs nous faudra-t-il pour magistrats, s’il en est de même à l’égard de l’espèce humaine !

cIl en est sûrement de même, répliqua-t-il ; mais pourquoi dis-tu cela ?

C’est qu’ils seront, répondis-je, dans la nécessité d’employer un grand nombre de remèdes. Un médecin, même au-dessous du médiocre, paraît suffire à soigner des gens qui n’ont pas besoin de remèdes, mais qui veulent bien suivre un régime ; si au contraire l’application des remèdes est nécessaire, nous savons qu’elle réclame un médecin plus aguerri.

C’est vrai ; mais où veux-tu en venir ?

À ceci, repartis-je : il me semble que les magistrats seront obligés de recourir dsouvent au mensonge et à la fraude dans l’intérêt de leurs subordonnés, et nous avons dit quelque part que tous les mensonges de cette espèce étaient utiles, à titre de remèdes.

Nous avions une bonne raison de le dire, fit-il.

Eh bien, cette « bonne raison » semble jouer dans les mariages et dans la procréation des enfants un rôle qui n’est pas de petite importance.

Comment cela ?

Il faut, repris-je, d’après les principes que nous avons admis, que les sujets d’élite de l’un et de l’autre sexe s’accouplent le plus souvent possible, et les sujets inférieurs le plus rarement possible ; eil faut de plus élever les enfants des premiers, non ceux des seconds, si l’on veut maintenir au troupeau toute son excellence. D’un autre côté les magistrats doivent être seuls dans le secret de ces mesures, pour éviter le plus possible les discordes dans le troupeau des gardiens[1].

C’est très juste, dit-il.

En conséquence nous instituerons des fêtes où nous unirons les jeunes hommes et les jeunes femmes ; nous y ferons des sacrifices et nous chargerons nos poètes de composer des hymnes appropriés à la célébration de ces mariages. 460Quant au

    du mariage : aussi Platon veut-il que ses mariages soient saints comme celui de Zeus et d’Héra.

  1. Platon pense-t-il que les mesures frauduleuses des gouvernants resteront toujours secrètes, et que, si elles sont connues, elles ne