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LA RÉPUBLIQUE V

sitions. Vous-mêmes en effet, en commençant la fondation de votre république, vous êtes convenus que chacun ne devait faire qu’un métier, celui qui est assorti à sa propre nature. »

Nous en sommes convenus, je le reconnais ; car il le fallait bien.

« Or peut-on nier qu’il n’y ait une très grande différence de nature entre l’homme et la femme ? »

La différence est indéniable.

« Différente est donc aussi la besogne qu’il faut imposer à chacun suivant sa nature. »

cSans doute.

« Comment dès lors pouvez-vous échapper à l’absurdité et à la contradiction, vous qui prétendez maintenant que les hommes et les femmes doivent remplir les mêmes fonctions, malgré la grande différence de leur nature ? » As-tu, cher ami, quelque chose à répondre à cela ?

Répondre ainsi au pied levé, dit-il, n’est pas chose facile ; mais je te prierai, je te prie même tout de suite de te charger de notre réponse, quelle qu’elle soit.

Ce sont là, Glaucon, repris-je, sans parler de beaucoup d’autres, des difficultés que je voyais depuis longtemps. De là mes craintes det mon hésitation à aborder la loi qui doit régler la possession et l’éducation des femmes et des enfants.

Par Zeus, dit-il, la chose n’a pas l’air facile.

Non, certes, repris-je ; mais voici ce que nous avons à faire. Qu’un homme tombe dans une petite piscine ou qu’il tombe au milieu de la haute mer, il ne se met pas moins à nager.

Sans doute.

Il faut donc nous mettre à nager nous aussi et tâcher de nous tirer de la discussion, en espérant qu’un dauphin nous prendra sur son dos[1] eou qu’un autre miracle nous sauvera.

Il faut le faire, dit-il.

    du gymnase. Cela ne l’empêchera pas de rendre les gymnases en Crète et à Lacédémone surtout, responsables de la pédérastie (Lois 636 b).

  1. Allusion à l’histoire d’Arion sauvé par un dauphin qui le prit sur son dos et le porta jusqu’au cap Ténare. Voir Hérodote, 1, 23-24, et Lucien, Dialogues marins, 8.