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LA RÉPUBLIQUE V

Si donc nous imposons aux femmes les mêmes fonctions qu’aux hommes, il faut aussi leur donner la même éducation.

452Oui.

Or nous avons enseigné aux hommes la musique et la gymnastique.

Oui.

Dès lors il faut que les femmes aussi aient part à ces deux arts, et à l’art de la guerre, et qu’elles soient traitées de la même manière.

Cela ressort, dit-il, de ce que tu dis.

Mais peut-être, repris-je, il y a dans ce que nous disons des choses qui, parce qu’elles choquent la coutume, paraîtraient ridicules, si l’on en venait à l’exécution.

Il n’y a pas de doute, dit-il.

Qu’est-ce que tu y trouves, demandai-je, de plus ridicule ?

C’est évidemment de voir les femmes s’exercer toutes nues dans les palestres avec les hommes, et non seulement les jeunes, bmais encore les femmes déjà avancées en âge, à l’exemple des vieillards qui se plaisent encore aux exercices du gymnase, alors qu’ils sont ridés et désagréables à voir.

Oui, par Zeus, dit-il, cela paraîtrait ridicule, étant donné les habitudes d’aujourd’hui.

Mais, repris-je, puisque nous avons commencé à dire notre pensée, ne craignons pas les plaisanteries des rieurs[1], quoi qu’ils puissent dire d’une innovation qui appliquerait les femmes à la gymnastique cet à la musique, et surtout au maniement des armes et à l’équitation.

Tu as raison, dit-il.

Eh bien, puisque nous sommes en train de nous expliquer, abordons ce que cette institution a de choquant, et prions les rieurs de renoncer à leurs plaisanteries, d’être sérieux et de se souvenir qu’il n’y a pas bien longtemps que les Grecs trouvaient honteux et ridicule, comme encore aujourd’hui la

  1. On a vu dans ces plaisanteries des rieurs une allusion à la comédie de l’Assemblée des Femmes d’Aristophane. Que l’Assemblée des Femmes, qui parut entre 393 et 390, soit antérieure à la République, il n’est guère possible d’en douter. Voyez sur ce sujet l’excellent exposé d’Adam, la République de Platon, 1er vol. p. 345-355, et l’Introduction, p. xlix-lii.