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INTRODUCTION

appartiennent à l’Académie. Que Proclus soit parfois l’écho de légendes et que nous ne devions pas attribuer avec lui à Platon l’invention de méthodes comme l’analyse régressive ou le diorisme, pas plus que la solution de tel ou tel problème particulier, peu importe, si l’emploi de ces méthodes est tellement significatif dans les dialogues, si les définitions mathématiques y sont tellement précises et les axiomes si nettement formulés que nous comprenons du même coup à quelle source lesdites légendes auront puisé leur aliment et quelle vérité profonde elles traduisent. Nulle part, mieux que dans ces pages de Platon, les méthodes qui se cherchaient, s’appliquaient ou se perfectionnaient dans la mathématique nouvelle ne pouvaient prendre conscience de leur sens et de leur esprit, et nul mieux que l’auteur de ces pages ne pouvait, dans la direction d’un institut de travail aussi riche et aussi actif, s’approprier cet esprit, le vivifier et l’étendre. L’exploitation mathématique des dialogues n’est pas achevée, celle de la tradition académique ou aristotélicienne concernant l’enseignement oral de Platon est à peine commencée, et l’on s’aperçoit de plus en plus que l’esprit qui anima jusqu'à la fin cet enseignement oral comme cet enseignement écrit annonçait les tendances et anticipait les vues de la mathématique la plus moderne[1].


Le rôle auxiliaire
des mathématiques.

Cependant ces sciences dont il connaît, admire, dirige les progrès, Platon les trouve ici insuffisantes par elles-mêmes et ne les traite qu’en auxiliaires. Il les loue de leur désintéressement, de leur « inutilité », et les adjure de s’y tenir : au regard du Socrate de la République, leurs usages pratiques, qui comptent seuls pour le Socrate des Mémorables,

  1. Sur la façon dont Platon anticipe l’idée moderne du nombre, cf. Milhaud, Philos. géom., p. 178, p. 327-866, et passim ; Taylor, Plato, p. 503-516 ; W. D. Ross, Theophrastus Metaphysics, Oxford, 1939, p. 50/4 ; O. Töplitz, Das Verhältnis von Mathematik u. Ideenlehre bei Plato (Quellen u. Studien, 1929, p. 3-33). Cf. Supplément Critique, 1930, p. 15-22. Le fondement de toutes études possibles sur la tradition est toujours L. Robin, La théorie platonicienne des idées et des nombres d’après Aristote (1908), mais beaucoup reste à faire aussi pour exploiter les dialogues, par exemple le Parménide (cf. dans mon édition, p. 81 n. 2, 82 n. 1, 96, 97 n. 1 et Töplitz, loc. cit. dans Quellen u. Studien, 1929).