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INTRODUCTION

Il serait pourtant dangereux d’aller trop loin dans cette réaction, de ne pas voir que la mystique des nombres, caractéristique du plus vieux Pythagorisme, suppose ou entraîne facilement des recherches dont les résultats au moins servent directement la science[1]. D’autre part, le fait que, dès le début de la seconde moitié du ve siècle, apparaît un manuel de mathématiques, les Éléments d’Hippocrate, témoigne d’un trésor de connaissances bien assurées et qui n’attendaient plus que d’être assemblées et coordonnées pour devenir à la fois une source de culture générale et une base de recherches ultérieures[2]. Une assez longue période de tâtonnements et de progrès plus ou moins dispersés a donc précédé cette floraison. Tant de mains et d’esprits y furent à l’œuvre ! Marins, arpenteurs, bâtisseurs et techniciens de tous genres, qui appliquent, raisonnent, étendent les connaissances empruntées à Babylone et à l’Égypte ; sectes réformatrices qui trouvent, dans la contemplation du nombre, une des sources les plus divines de l’ordre intellectuel et moral ; philosophes d’Élée, qui créent les formes essentielles de la pensée logique et tout de suite soumettent à leur critique

  1. Ce redressement a été surtout l’œuvre de Sachs, puis de Frank, utilisant et prolongeant Tannery. Voir spécialement, dans Frank, sur les mathématiques pythagoriciennes, les appendices XV et XVI (p. 222-236) ; sur les fragments dits de Philolaos, l’appendice XX (p. 263-335). Frank attribue cette invention à une fiction littéraire de Speusippe, peut-être à tort, mais il a démontré définitivement l’inauthenticité (de l’aveu de C. Ritter, C. Bursian’s Iahresbericht, Bd 225 (1930), p. 155 et suiv., qui le loue avec raison d’avoir ainsi mis en lumière le rôle d’Archytas comme centre « des savants dits Pythagoriciens », mais croit que la distinction entre mathématiciens et acousmatiques a dû exister dès le début). Frank reconnaît lui-même (p. 75) que la doctrine authentique de Pythagore a dû originellement avoir cette tendance à la mystique des nombres ; sans quoi, on ne saurait comprendre comment l’interprétation scientifique postérieure s’y est rattachée.
  2. Sur Hippocrate de Chios (fl. 450-400), cf. Tannery, Géom. gr., p. 108-120 et ses articles dans Mém. Sc., I-III ; Björnbo, dans RE, VIII 2 (1913), col. 1780-1801. Ses Éléments furent les premiers ; sur leur contenu (probablement Euclide I-IV et VI), col. 1783/5. Aucun rapport avec les Pythagoriciens, malgré Jamblique de comm. math. scientia, éd. Festa, 77, 18 (Géom. gr., p. 109 — Rudio, Bibl. mathem., VIII, 3 (1907), p. 308).