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INTRODUCTION

le plus grand bien de l’âme et l’injustice son plus grand mal (445 b).


Les « duo fere libri » d’Aulu-Gelle.

Ainsi finit cette première partie, car les quelques lignes qui suivent sur les formes injustes de gouvernement contiennent une promesse que Platon entend bien ne remplir que plus tard. La diversion qui va l’empêcher n’est que feinte : il faut bien rompre un peu en apparence la logique, si l’on ne veut qu’elle nous fatigue et nous importune. Sur la composition et la publication de ces Livres I-IV, les hypothèses et les systèmes n’ont pas manqué, mais ce n’est pas encore ici le lieu de les discuter ou même de les signaler utilement. L’une de ces hypothèses cependant, parce qu’elle est antique et se présente un peu comme un témoignage, doit retenir un moment notre attention.

Aulu-Gelle, au XIVe Livre de ses Nuits Attiques, s’interroge sur la portée des rivalités qui, d’après les conjectures de bons auteurs, auraient séparé jadis Platon et Xénophon[1]. Ces conjectures, nous dit-il, s’appuient soit sur le fait que Platon ne fait jamais mention de Xénophon ni Xénophon de Platon, soit sur la façon souvent contradictoire dont l’un et l’autre nous rapportent les paroles et les actions de Socrate. Elles s’autorisent aussi d’une polémique indirecte de Xénophon dans sa Cyropédie contre la République de Platon ; ce car Xénophon, ayant, de ce célèbre ouvrage de Platon sur la meilleure constitution et le meilleur gouvernement, lu les deux livres environ qui en étaient parus d’abord, prit position là-contre et composa, sous le nom d’Éducation de Cyrus, un tout autre plan de constitution royale[2] ». Platon, d’ailleurs,

  1. Les sources les plus immédiates d’Aulu-Gelle sont naturellement Taurus et surtout Favorinus. Mais la tradition sur les duo fere libri est évidemment antérieure à la division en dix livres, dont Thrasylle se servait peut-être déjà. Les compilateurs qui nous la transmirent ne soupçonnèrent pas le sens ni la portée de ces δύο σχεδὸν λόγοι et ne virent là aucune difficulté. Sur la valeur d’Aulu-Gelle comme dernier témoin de cette tradition, j’ai tenu à consulter M. É. Galletier, et je le remercie d’avoir bien voulu appuyer et éclairer de sa science le jugement auquel me portaient mes impressions de lecteur occasionnel.
  2. N. A., XIV, 3 : « …Id etiam esse non sincerae neque amicae