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XXXVI
INTRODUCTION

Hippodamos de Milet, le Haussmann du siècle de Périclès, grand aligneur de rues et logicien de l’urbanisme, avait porté son amour de la symétrie jusque dans l’organisation sociale. Trois classes de citoyens : artisans, laboureurs et guerriers ; trois parts du territoire, dont l’une consacrée aux dieux, l’autre à l’entretien des guerriers, et la troisième laissée en propre aux laboureurs ; trois sortes de lois, réprimant l’outrage, le dommage ou le meurtre ; une suprême cour d’appel, qui tient au besoin un compte exact des « circonstances atténuantes » ; des encouragements aux inventeurs, et l’idée, qui fut bientôt réalisée, d’instituer a des pupilles de la nation » ; enfin tous les magistrats élus par les trois classes de la cité, ce schéma est tout ce qu’Aristote nous transmet des plans d’Hippodamos et, à en juger par les questions qu’il pose, tout ce qu’il en connaissait lui-même. Faut-il attribuer à une influence des Pythagoriciens cette prédilection pour le nombre trois ? En tout cas, puisque nous n’avons, sur les Pythagoriciens avant Platon, que des témoignages postérieurs à Platon, affirmer l’origine pythagoricienne des « trois parties de l’âme » ou des trois parties de la cité est plus facile que de la prouver[1]. Mais que nous importe cela pour notre appréciation

  1. Sur Hippodamos, cf. Aristote, Politique, II, 8 et VII, 11, 1330 b 24, les textes rassemblés dans Diels, Vorsokratiker, I3, p. 293/4, et l’article de Fabricius dans RE, VIII 2, col. 1781/4. Sur le Περὶ πολιτείας en dialecte dorien attribué à Hippodamos (4 fragments dans Stobée, Flor., XLIII, 92/4 = Anthol., IV, 1, 98/6, Hense, XCVIII, 71 et CIII, 26), voir A. Delatte, Essai sur la politique pythagoricienne (Paris-Liège, 1922, p. 125 à 160), qui montre, contre Fabricius, que l’ouvrage ne contient aucune des thèses caractéristiques de notre Hippodamos, sauf la distinction des trois classes. Pour l’origine pythagoricienne des trois parties de l’âme (en accord avec la distinction des trois vies), cf. surtout Burnet, Early Greek Philosophy p. 108/9, P’s Phædo comm. p. 40, et Taylor, Plato, p. 281 et Commentary on Timaeus p. 496/8 ; Rohde, Psyché II 3, p. 170 et n. 2. Platon est-il venu de la distinction des parties de l’âme à celle des classes ? Rohde l’affirme (p. 272 n. 6) ainsi qu’Adam I p. 262, Wilamowitz I p. 891, Frutiger p. 82/6, alors que Cornford (Psychology and social structure in the Rep. of Pl. Class. Quarterly, 1912, p. 209-264) et Pohlenz (p. 228-285) regardent la tripartition politique (empruntée à Hippodamos, cf. Pohlenz, p. 281) comme essentielle et première : la tripartition psychologique ne sert qu’à l’illustrer. C’est ce que disait déjà Shorey (Unity, p. 42/8). L’étude qui reste fonda-