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INTRODUCTION

toute la cité. Aux artisans, il faut un peu d’argent si nous voulons qu’ils puissent apprendre et pratiquer leur métier, pas trop si nous ne voulons pas qu’ils le gâchent ou le lâchent. Notre cité sera pauvre, donc gênée pour faire la guerre ? Non, elle trouvera toujours des alliés au dehors contre les riches proies que seront les autres cités, et trouvera toujours en elle-même, dans l’union absolue de ses membres, assez de force contre ces cités, inévitablement divisées en parti des pauvres et parti des riches. N’eût-elle que mille combattants, ils seront tout à elle (423 b). Chiffre minimum pour Platon, qui, dans les Lois, exigera davantage. Mais beaucoup de petites cités avaient moins, Sparte n’avait guère plus du double à cette époque, et nous verrons que son oliganthropie progressive et sa ruine ne vinrent pas de sa pauvreté.

Une cité aussi grande qu’elle peut l'être sans cesser d'être une, voilà notre idéal. Cette unité de l’ensemble sera maintenue si chaque membre demeure à sa place et remplit exactement sa fonction. Mais l’esprit qui l’inspire, et qui doit s’étendre jusqu’aux lois du mariage et de la procréation, esprit d’union et de communauté véritable, c’est à l’éducation de le faire naître et subsister. Que cette éducation soit la grande loi, la seule loi intangible de la cité : elle formera les mœurs, elle dictera les quelques règlements inévitables, elle dispensera de la poussière de règlements où tant de « grands politiques » mettent leur ambition et leur gloire[1]. Quant à la religion, le dieu de Delphes en est l’interprète naturel (427 c).


La Justice.

Voilà donc notre cité construite. Reste à voir ou nous y trouverons la justice et l’injustice, en quoi l’une et l’autre diffèrent et laquelle des deux est, par elle-même, suffisante à faire à la fois notre excellence et notre bonheur intimes. Ce problème, Platon va le résoudre en utilisant parallèlement la tripartition de la cité et la tripartition de l'âme individuelle.

  1. Dümmler (Chronologische Beiträge, p. 911) croit que ce passage vise Isocrate, et lui applique aussi, p. 12 (comme Teichmüller, Literarische Fehden, I, p. 104), le passage VI, 493 a et suiv. sur les Sophistes. Adam (ad loc.) a raison de dire que la portée de l’un et l’autre passage est plus générale. Sur l’Ecclesia d’Athènes légiférant à tort et à travers et le pullulement des politiciens au ive s., voir Glotz, Cité Grecque, p. 384 et suiv.