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LA RÉPUBLIQUE

IV  Hé quoi ! lorsqu’un poète fait dire au plus sage des hommes que rien au monde ne lui paraît plus beau que

« des tables chargées de pain bet de viandes, et un échanson qui porte le vin puisé au cratère et le verse dans les coupes[1], »

crois-tu cela bien propre à porter un jeune homme à la tempérance ? Lui convient-il d’entendre dire que

« la mort la plus triste est de périr de faim[2], »

ou que

Zeus, veillant seul pendant que les dieux et les hommes dormaient, oublia brusquement tous les desseins qu’il avait médités, cparce que le désir de l’amour le saisit, et que la vue d’Héra lui causa de tels transports qu’il n’eut pas la patience de se rendre dans sa chambre, mais voulut s’unir à elle sur le lieu même, à terre, lui protestant qu’il ne l’avait jamais tant désirée, pas même lorsqu’ils s’étaient vus la première fois

« à l’insu de leurs parents[3], »

ou qu’Arès et Aphrodite furent enchaînés par Héphaistos pour des faits du même genre[4] ?

Non, par Zeus, dit-il, non, cela ne me semble pas convenable.

dSi au contraire, repris-je, des grands hommes font paraître dans leurs paroles ou leurs actions une fermeté à toute épreuve, il faut arrêter ses regards sur eux et écouter des vers tels que ceux-ci :

« Il se frappa la poitrine et gourmanda son cœur en ces termes : Tiens ferme, mon cœur ; tu as déjà supporté des épreuves plus terribles[5]. »

Tu as tout à fait raison, dit-il.

Il ne faut pas tolérer non plus que nos guerriers acceptent des présents et qu’ils aiment les richesses.

eEn aucune façon.

  1. Odys., IX, 8-10.
  2. Odys., XII, 342.
  3. Iliade, XIV, 294 sqq.
  4. Odys., VIII, 266 sqq.
  5. Odys., XX, 17-18.