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LA RÉPUBLIQUE

il le punira, comme introduisant une pratique propre à renverser et à perdre le vaisseau de l’État.

Elle le perdrait, si de tels propos étaient sanctionnés par des actes, dit-il.

Mais la tempérance n’est-elle pas nécessaire aussi à nos jeunes gens ?

Sans nul doute.


Retranchons
les fables
qui dépeignent
des héros
intempérants
ou avides.

Mais pour la généralité des hommes les points essentiels de la tempérance, ne sont-ils pas d’obéir aux chefs, et si l’on est chef soi-même, ede maîtriser les plaisirs du vin, de l’amour et de la table ?

Il me semble.

Nous approuverons donc, je pense, le passage où Homère fait dire à Diomède :

« Père, assieds-toi en silence, et obéis à mes ordres[1], »

et le passage qui fait suite à celui-là :

« Les Achéens, respirant le courage, allaient silencieusement, craignant les chefs[2], »

et tous les endroits semblables.

Oui.

Mais que dire de celui-ci ?

« Sac à vin, homme aux yeux de chien, au cœur de cerf[3] » ?

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Et la suite est-elle à louer ? et faut-il approuver aussi toutes les paroles insolentes que des inférieurs ont dites à leur chefs dans les écrits en vers ou en prose ?

Non.

Je crois en effet que ce ne sont pas des choses propres à former les jeunes gens à la tempérance. Qu’elles plaisent par ailleurs, je l’admets facilement. Mais quel est ton avis à toi ?

Le tien.


  1. Diomède parle ici à Sthénélos. Iliade, IV, 412.
  2. Dans cette citation, Platon réunit deux passages d’Homère, l’un : ἴσαν… Ἀχαιοί tiré de l’Il. III, 8, et l’autre σιγῆ… σημάντορας de l’Il. IV, 431.
  3. Il. I 225.