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LA RÉPUBLIQUE

C’est donc à nous, semble-t-il, à choisir, si nous en sommes capables, ceux qui par la nature et le genre de leurs aptitudes sont propres à garder l’État.

C’est à nous assurément.

Par Zeus, repris-je, nous nous chargeons là d’une besogne bien difficile ; cependant ne perdons pas courage ; faisons tout ce que nos forces nous permettront.

375Non, il ne faut pas perdre courage, dit-il.

Eh bien ! repris-je, vois-tu, pour le rôle de gardien, des différences entre le naturel d’un jeune chien de bonne race et celui d’un jeune garçon bien né ?

Que veux-tu dire par là ?

Que l’un et l’autre doit avoir de la sagacité pour découvrir l’ennemi, de la vitesse pour le poursuivre, aussitôt qu’il est découvert, et de la force pour livrer bataille, quand il est atteint.

Il a besoin en effet, dit-il, de toutes ces qualités.

Et de courage encore, pour bien combattre.

Sans contredit.

Mais un cheval, un chien ou un animal quelconque pourra-t-il être courageux, bs’il n’est d’humeur colère[1] ? N’as-tu pas remarqué que la colère est quelque chose d’indomptable et d’invincible et qu’une âme animée par elle est incapable de trembler et de céder ?

Je l’ai remarqué.

Ainsi tu vois quelles sont les qualités du corps qui conviennent au gardien.

Oui.

Et tu vois aussi que pour l’âme, c’est l’humeur irascible.

Oui aussi.

Mais alors, Glaucon, repris-je, ne seront-ils pas féroces

    (φύλακες) au sens particulier qu’il a dans la République ; il comprend à la fois les soldats et les gouvernants. Quand il est nécessaire de distinguer entre les deux classes, les premiers sont appelés ἐπίκουροι, auxiliaires ou défenseurs (III, 414 B), les autres φύλακες παντελεῖς ou τέλεοι φύλακες, gardiens parfaits, ou plus communément ἄρχοντες, gouverneurs. C’est seulement au IIIe livre (412 B et sqq.) que Platon les distingue expressément, et aux livres VI et VII qu’il les caractérise et les peint.

  1. Le terme θυμοειδής que les Anglais traduisent assez bien par