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LA RÉPUBLIQUE

leurs adversaires, et qui leur a permis de faire ce qu’ils ont fait ; en se portant à leurs injustes entreprises, ils n’étaient qu'à demi gâtés par l’injustice, puisque ceux qui sont complètement méchants et entièrement injustes sont par cela même dans une impuissance absolue de rien faire. dVoilà la vérité, comme je la conçois, en opposition à la thèse que tu as exposée au début. Maintenant il faut examiner si le sort du juste est meilleur et plus heureux que celui de l’injuste, question que nous nous étions promis de traiter par la suite. Or cela est dès maintenant évident, ce me semble, d’après ce que nous avons dit. Cependant il faut examiner la chose plus à fond ; aussi bien il n’est pas ici question d’une bagatelle, mais de ce qui doit faire la règle de notre vie.


Chaque chose
a sa fonction
et une vertu
à remplir.

Examine donc, dit-il.

C’est ce que je vais faire, répondis-je.

Dis-moi, le cheval n’a-t-il pas, à ton avis, une fonction qui lui est propre[1] ?

eSi.

N’admets-tu pas que la fonction, soit du cheval, soit de tout autre animal, c’est ce qu’on peut faire uniquement ou du moins le plus parfaitement par cet animal seul ?

Je ne comprends pas, dit-il.

Je m’explique autrement. Peut-on voir par autre chose que par les yeux ?

Non, certes.

Entendre par autre chose que par les oreilles ?

Nullement.

Nous pouvons donc dire avec raison que c’est là leur fonction ?

Assurément.

353Ne pourrait-on pas tailler la vigne avec un coutelas, un tranchet et beaucoup d’autres instruments ?

Pourquoi pas ?

    déjà ici ; c’est celle qu’il suivra encore dans les livres VIII, et IX, où il décrit les variétés de l’injustice dans l’État et dans l’individu. Notre passage 351 A à 352 A contient en germe toute la méthode et la doctrine de la République.

  1. Cette idée que chaque être a sa fonction particulière qu’il peut remplir mieux que tout autre devient un des principes essentiels de l’État idéal, au livre II 369 E et suiv.