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LA RÉPUBLIQUE

fasse à son ordinaire, qu’il ne réponde pas, lui, mais que, dès qu’un autre donnera une réponse, il s’en empare, et se mette à réfuter.

Comment répondre, excellent homme, dis-je, quand d’abord on ne sait pas et qu’on déclare ne pas savoir, quand ensuite, eût-on un avis sur le sujet, on s’est entendu intimer la défense de faire aucune des réponses qu’on juge pertinentes par une personne dont l’autorité n’est pas petite ? C’est plutôt à toi de parler, puisque tu te vantes de savoir et d’avoir quelque chose à dire. 338Ne refuse donc pas : fais-moi le plaisir de répondre et n’envie pas à Glaucon et aux autres le plaisir de s’instruire à tes leçons.


XII  Quand j’eus dis ces mots, Glaucon et les autres le prièrent de ne pas se dérober. Pour Thrasymaque, on voyait bien qu’il avait envie de parler, afin de se faire applaudir ; car il pensait faire une réponse admirable ; mais il affectait d’insister pour que je fusse le répondant. À la fin, il céda, puis :

Voilà, s’écria-t-il, le talent de Socrate : il ne veut, lui, rien enseigner ; bmais il va partout s’instruire auprès des autres, sans même leur en savoir gré.

Quand tu dis que je m’instruis près des autres, répondis-je, tu dis vrai, Thrasymaque ; mais quand tu affirmes que je ne paye pas de retour, tu es dans l’erreur : je paye autant que je peux ; mais je ne peux payer qu’en louanges, car je n’ai pas d’argent ; mais combien je suis empressé de louer ce qui me paraît bien dit, tu vas l’apprendre tout de suite, quand tu auras répondu ; ccar je pense que tu vas bien parler.


Thrasymaque
soutient que la
justice est l’intérêt
du plus fort.

Écoute donc, dit-il. Je soutiens, moi, que la justice n’est autre chose que l’intérêt du plus fort[1]. Eh bien ! qu’attends-tu pour applaudir ? tu ne t’y résoudras pas.

    Socrate que la 1re  partie de la question : « Que te condamnes-tu à souffrir ? » Comme la réponse de Socrate ne satisfait pas son avarice, il ajoute : « Il y a quelque chose à payer. » Platon peint ici dans la personne de Thrasymaque le sophiste arrogant, cupide, immoral, dont la figure est d’autant plus expressive qu’elle forme un contraste violent avec la modestie, le désintéressement et la haute vertu de Socrate.

  1. La définition de la justice d’après Thrasymaque est moins une