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XII
INTRODUCTION

et dans l’autre ; mais elle ne se forme bien dans l’individu que sur le modèle et par l’action d’une cité droitement administrée : le Juste lui-même, s’il est capable de se conserver pur dans sa solitude et son exil intérieur, ne se réalise pourtant pleinement que « dans une république convenable » (497 a). Aussi justice sociale et justice individuelle, ordre de la cité et ordre de l’âme, s’entremêleront-ils sans cesse à travers tout ce dialogue. Nous n’avons donc pas à nous demander quel est le sujet primaire et quel est le sujet secondaire ; le sujet est un : c’est la République (parfaite) ou la Justice. Un prélude, le Livre I, expose les opinions des honnêtes gens, des poètes et des sophistes sur la justice et ses avantages ou désavantages. Adimante et Glaucon montrent que la question est ainsi mal posée, et demandent qu’on étudie la justice et l’injustice en elles-mêmes, abstraction faite de leurs suites. D’où trois parties :

1) En quoi consiste la justice ? (Livres II à IV). Socrate accepte la question telle que la posent Adimante et Glaucon, et, pour définir la justice, la montre d’abord réalisable dans la cité par la subordination mutuelle des classes dont la cité se compose, puis, dans l’individu, par une même subordination entre les puissances de son âme.

2) À quelles conditions se réalisera la justice ainsi définie ? (Livres V à VII). Socrate s’effraie de répondre, car il lui faut, pour cela, affronter successivement trois vagues plus redoutables les unes que les autres : la coéducation de l’homme et de la femme, la communauté des femmes et des enfants, enfin l’exercice du pouvoir par les seuls philosophes, qu’on y préparera par une éducation spéciale.

3) Comment s’établit l’injustice dans la cité et dans l’individu ? (Livres VIII et IX). Par une déchéance progressive de cet ordre parfait dans la cité ou dans l’âme. Socrate expose, en effet, comment se forment et ce que deviennent la timocratie et l’homme timocratique, l’oligarchie et l’homme oligarchique, la démocratie et l’homme démocratique, la tyrannie et l’homme tyrannique, et compare cette suprême forme de l’injustice à l’idéal de justice que réalise, dans la cité comme dans l’individu, la république parfaite.

Enfin, une fois établie ainsi la valeur propre de la justice, il revient à la question de ses avantages ou désavantages, montre qu’on a eu raison de récuser le jugement des poètes