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LA RÉPUBLIQUE

C’est tout à fait sa pensée.

Mais à des ennemis, faut-il rendre ce qu’on peut leur devoir ?

Oui bien, dit-il, ce qu’on leur doit ; or ce qu’on doit à un ennemi, c’est, à mon avis, ce qui convient, c’est-à-dire du mal.


VII  Il paraît donc, dis-je, que Simonide a défini la justice à la façon cénigmatique des poètes. Son idée était, selon toute apparence, que la justice consiste à rendre à chacun ce qui convient ou, selon son expression, ce qu’on doit.

Eh bien, qu’y trouves-tu à reprendre ? demanda-t-il.

Si quelqu’un, repris-je, lui avait dit : « Au nom de Zeus, réponds-moi, Simonide. L’art qu’on appelle médecine, à qui donne-t-il ce qui est dû et convient, et que donne-t-il par là ? » que crois-tu qu’il nous aurait répondu ?

Évidemment, dit-il, qu’il donne aux corps les remèdes, les aliments et les boissons.

Et l’art du cuisinier à qui donne-t-il ce qui est dû et convient, et que donne-t-il par là ?

d Il donne aux mets des assaisonnements.

Bien ! Et maintenant l’art appelé justice, à qui et que donne-t-il ?

Il répondit : S’il faut, Socrate, être conséquent avec ce que nous venons de dire, il rend des services aux amis et cause des dommages aux ennemis.

Donc faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis, voilà ce que Simonide appelle justice[1] ?

Il me le semble.

Et maintenant, qui est le plus capable de faire du bien à des amis malades ou du mal à des ennemis sous le rapport de la maladie ou de la santé ?

Le médecin.

  1. Ménon, dans le dialogue de ce nom, 71 E, donne de la vertu cette définition : « Elle consiste à être en état d’administrer les affaires de sa patrie, et, en les administrant, de faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis. » On n’entend guère, avant Platon, de voix qui proteste contre cette doctrine, qui était la doctrine courante en Grèce. Platon la réfute plus loin, 335 D : « Ce n’est pas, dit-il, le fait de l’homme juste de nuire ni à son ami, ni à qui