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l’esprit, et justifie le nom donné au ciel ouranô). Si je me rappelais la généalogie hésiodique, et les ancêtres encore plus reculés qu’elle donne à ces dieux, je ne me lasserais pas d’expliquer la justesse de leurs noms, avant d’avoir mis à l’épreuve, pour voir comment elle se comporterait — je veux dire : si elle resterait court ou non —, cette sagesse qui vient de me tomber si soudainement, je ne sais d d’où.


L’inspiration d’Euthyphron.

Hermogène. — Le fait est, Socrate, que tu m’as tout bonnement l’air, a la façon des inspirés, de te mettre soudain à chanter des oracles.

Socrate. — Oui, Hermogène, et c’est surtout à Euthyphron, du dème de Prospalte, que j’attribue mon accès de sagesse. Dès l’aurore, je suis longtemps resté avec lui, et je prêtais l’oreille à ses propos. Peut-être l’inspiration qui l’agitait n’a-t-elle pas seulement empli mes oreilles de cette divine sagesse, mais s’est-elle encore emparée de mon âme. Voici donc, à mon avis, comment il nous faut faire : pour aujourd’hui, e l’utiliser, en achevant ce qui reste à examiner sur les noms ; demain, si vous en êtes d’accord avec moi, nous l’exorciserons et nous nous en purifierons, après avoir découvert un homme habile à ce genre de purification, soit un prêtre, 397 soit un sophiste.

Hermogène. — Moi, je veux bien ; car j’aurais le plus grand plaisir à entendre ce qui reste encore à dire des noms.

Socrate. — Eh bien, c’est ainsi qu’il faut faire. Par où veux-tu donc que nous commencions l’examen — maintenant que nous sommes engagés dans un exposé d’ensemble —, pour savoir si vraiment les noms nous attesteront par eux-mêmes que chacun d’eux, bien loin d’avoir été ainsi établi au hasard, possède quelque justesse ? Les b noms donnés aux héros et aux hommes risqueraient peut-être de nous tromper : beaucoup d’entre eux ont été établis d’après les appellations des ancêtres, parfois sans aucune convenance, comme nous le disions au début ; beaucoup sont comme l’expression

    radoteur (cf. Euthyd., 287 b). — De κόρος, jeune garçon, Platon distingue κόρος (apparenté à κορέω, nettoyer), dont le sens habituel est immondice, mais auquel il prête celui de netteté.