Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 2.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.
390 d
61
CRATYLE

Socrate. — Ainsi, le travail d du charpentier consiste à fabriquer le gouvernail sous la direction du pilote, si le gouvernail doit être bien fait.

Hermogène. — Apparemment.

Socrate. — Et celui du législateur, semble-t-il, à établir le nom sous la direction du dialecticien[1], s’il veut établir les noms comme il faut.

Hermogène. — C’est cela.


Résumé et conclusion.

Socrate. — Il y a donc des chances, Hermogène, pour que l’établissement du nom ne soit pas, comme tu le crois[2], une petite affaire, œuvre de gens médiocres et des premiers venus. Cratyle a raison de dire[3] que les noms appartiennent naturellement aux choses, e et qu’il n’est pas donné à tout le monde d’être un artisan de noms, mais à celui-là seulement qui, les yeux fixés sur le nom naturel de chaque objet, est capable d’en imposer la forme aux lettres et aux syllabes.

Hermogène. — Je ne vois pas, Socrate, ce que l’on peut opposer à ta thèse. Peut-être toutefois n’est-il pas facile d’y 391 acquiescer ainsi sur l’heure, et il me semble que je te croirais davantage si tu me montrais quelle est cette justesse naturelle du nom dont tu parles.


En quoi consiste la justesse naturelle des noms.

Socrate. — Moi, bienheureux Hermogène, je ne parle d’aucune. Tu as oublié ce que je disais un peu plus haut[4], que je n’en savais rien et que j’allais l’examiner avec toi. Pour l’instant, tout ce que nous révèle l’examen, à toi et à moi, c’est que, contrairement à la première opinion, le nom

  1. Socrate ne veut pas dire que les deux fonctions doivent être nécessairement distribuées entre deux personnes différentes. Elles peuvent être unies dans la même ; mais c’est à la dialectique que revient la direction (Horn, o. l., p. 29).
  2. Cela résulte de ce que disait Hermogène 384 cd.
  3. De ce qu’on doit établir les noms en imposant aux lettres et aux syllabes la forme de nom la plus appropriée à l’objet, Socrate conclut que Cratyle a raison de considérer les noms comme justes par nature et non par l’effet d’une convention (voir 383 ab).
  4. 384 c.