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CRATYLE

Socrate. — Peux-tu donc en dire autant du nom ? Si le nom est un instrument, en nous en servant pour nommer, que faisons-nous ?

Hermogène. — Je ne puis le dire.

Socrate. — N’est-ce pas que nous nous instruisons les uns les autres, et que nous distinguons les choses suivant leur nature ?

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Ainsi le nom est un instrument qui sert à instruire[1], et à distinguer la réalité comme la navette fait le tissu.

Hermogène. — c Oui.

Socrate. — Or la navette est un instrument de tissage ?

Hermogène. — Évidemment.

Socrate. — Un bon tisserand se servira donc comme il faut de la navette, et « comme il faut » veut dire : de façon propre au tissage ; un bon instructeur, comme il faut du nom, et « comme il faut » signifie : de façon propre à instruire.

Hermogène. — Oui.


Établir les noms est l’œuvre du législateur.

Socrate. — De qui donc est l’ouvrage dont le tisserand se servira comme il faut en se servant de la navette ?

Hermogène. — Du menuisier.

Socrate. — Et tout homme est-il menuisier ? ou seulement celui qui possède cet art ?

Hermogène. — Celui qui possède cet art.

Socrate. — Et de qui est l’ouvrage dont le perceur se servira comme il faut en d se servant de la tarière ?

Hermogène. — Du forgeron.

Socrate. — Tout homme est-il donc forgeron, ou seulement celui qui possède cet art ?

Hermogène. — Celui qui possède cet art.

Socrate. — Bien. Et de qui est l’ouvrage dont se servira le bon instructeur en se servant du nom ?

Hermogène. — Je ne le sais pas davantage.

Socrate. — Ne peux-tu dire non plus qui met à notre disposition les noms dont nous nous servons ?

  1. La proposition est admise ici sans discussion, ce qui s’explique