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NOTICE

dème, écrit sans doute vers 386, on voit que sa date doit tomber à peu près entre 386 et 385.

Horn a fort bien montré la place occupée par le Cratyle dans le développement de la pensée platonicienne[1]. Le Cratyle clôt une phase de cette pensée et en ouvre une nouvelle. D’une part, il ferme la série des écrits dirigés contre la sophistique. Le Gorgias et le Protagoras en combattaient la doctrine morale : le Cratyle réfute la thèse de Protagoras que « l’homme est la mesure de toutes choses ». Cette proposition sophistique qu’il est également impossible de parler et de penser faux avait été effleurée dans l’Euthydème : elle est examinée et réfutée par le Cratyle. Mais le Cratyle, d’autre part, s’en prend à l’école d’Héraclite ; il attaque avec vivacité la théorie du mouvement universel. Recherchant ce qu’il faut penser de la justesse des noms, il conclut que le langage n’est pas un moyen sûr de connaître les choses, et que c’est aux choses elles-mêmes qu’il faut demander cette connaissance. Il pose enfin le problème des Formes immuables.

Ces diverses questions seront reprises et approfondies dans la suite. Le Théétète reconnaîtra que la thèse de Protagoras sur l’homme-mesure a été insuffisamment réfutée dans le Cratyle. Il la soumettra à un nouvel examen et y opposera des objections plus décisives. De même il reviendra, pour la ruiner définitivement, sur cette affirmation qu’il est impossible de parler et de penser faux. La réfutation de la doctrine d’Héraclite, amorcée par le Cratyle, sera poussée à fond dans le Théétète. Le Cratyle a posé le problème de la connaissance, mais sans indiquer ni les moyens de le discuter, ni les limites de la connaissance. Cette recherche fera l’objet du Théétète, tandis que Parménide examinera la permanence des Formes. Le Théétète touchera encore au langage, mais seulement pour l’étudier dans son rapport avec la connaissance, et en apportant des changements à certaines conceptions du Cratyle. Socrate y énoncera, d’ailleurs sans l’adopter, une définition du λόγος assez différente, en le représentant comme « un entrelacement de noms » (202 b), tandis que le Cratyle distinguait, à côté du nom (ὄνομα), le verbe ou prédicat (ῥῆμα) ; aux syllabes, connaissables et exprimables, il oppo-

  1. O. l., p. 62 et suiv. ; p. 272 et suiv.