Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 2.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
NOTICE

qu’il recherchait les conditions de l’ὀρθοέπεια, et que ses études sur les genres des noms et les temps des verbes le font apparaître comme un fondateur de la science grammaticale. D’autre part il professait avec Héraclite : « Jamais rien n’est, toujours il devient[1] ». Peut-être partageait-il les idées de l’école d’Héraclite sur la justesse des noms. Ce qui le ferait croire, c’est qu’après avoir réfuté les vues d’Hermogène, Socrate propose (391 bc) de s’adresser à lui, ou à son élève Callias, pour savoir en quoi consiste cette justesse naturelle. La proposition étant repoussée par Hermogène, Socrate se tourne d’un autre côté. On serait tenté d’en conclure que les considérations suivantes ne doivent rien à Protagoras : s’il en était autrement, seraient-elles admises sans protestation par Hermogène, qui connaît évidemment l’Ἀλήθεια du sophiste et en rejette avec mépris l’enseignement ?

Prenons garde cependant qu’il n’y ait là un jeu de l’ironie socratique — ou platonicienne. On a rappelé plus haut que Protagoras, dans le dialogue qui porte son nom, préconisait l’étude des poètes comme une part importante de l’éducation. Or, nous voyons Socrate consulter les poètes et préluder à ses fantaisies étymologiques en étudiant les noms d’Astyanax et d’Hector dans l’Iliade, pour en tirer les prétendues lois de la dénomination homérique. Plus loin il invoque et il cite Hésiode et Orphée. L’étymologie, qui plus tard, d’après Cicéron[2], sera pratiquée à la fois par l’Académie et le Lycée, et dont l’origine doit être cherchée dans certaines croyances religieuses — la foi à la valeur magique du nom — apparaît dans les plus anciens monuments de la

    À première vue, la thèse de l’homme-mesure paraîtrait plutôt en effet s’accorder avec la théorie de « l’arbitraire », soutenue par Hermogène (Kirchner, o. l., p. 16). Mais en ce cas, comment expliquer qu’Hermogène lui-même condamne expressément cette thèse, comme il rejettera plus loin l’Ἀλήθεια de Protagoras, sans indiquer que sur d’autres points il s’accorde avec le sophiste ? On pourrait, il est vrai, soupçonner Hermogène d’illogisme ; mais il est plus probable qu’aux yeux de Socrate la contradiction est dans les idées de Protagoras qui, partisan de la justesse naturelle des noms, ne voit pas l’incompatibilité de cette théorie avec celle de l’homme-mesure.

  1. Théétète, 152 e.
  2. Academica posteriora, I, 8, 32.