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NOTICE

Récemment Max Warburg[1], prenant pour point de départ les vues de Wilamowitz, a soutenu que la partie « étymologique » du Cratyle était dirigée par Platon contre son propre disciple Héraclide du Pont. C’était un sectateur d’Héraclite, et plus tard des étymologies d’Héraclide sont souvent citées, en particulier par Orion. Platon lui confia la direction de l’Académie, en 361 suivant M. Warburg, lors de son troisième voyage en Sicile. Le père d’Héraclide se nommait Euthyphron, dont on s’expliquerait ainsi la mention répétée dans le dialogue. Cette hypothèse originale repose malheureusement sur une base des plus fragiles[2], et ne résout les difficultés existantes que pour en soulever d’autres, comme l’a bien mis en lumière H. v. Arnim[3].

Les étymologies qu’il entasse avant d’en venir aux noms primitifs, Socrate les attribue dans l’ensemble à l’ « inspiration » d’Euthyphron. En sa qualité de théologien, Euthyphron peut s’être complu aux étymologies qui concernaient les noms des dieux[4], et il ne serait pas impossible a priori que Socrate eût visé sous son nom une certaine catégorie d’exégètes. Mais tout le reste, et notamment ce qui s’y rattache à la théorie héraclitéenne du mouvement, était à coup sûr hors des préoccupations d’Euthyphron et de ses pareils. En mettant sous son inspiration l’exposé étymologique, Platon, nous l’avons dit, semble avoir eu surtout pour but

    Ch. Lenormant (Commentaire sur le Cratyle de Platon, Athènes, 1861). D’après lui, Platon n’attaque ici que Cratyle, représentant du « parti religieux » et de « l’école sacrée », qui dans la préparation aux mystères d’Éleusis donnait une place à l’étude de la langue et à l’étymologie.

  1. Zwei Fragen zum « Kratylos » (Neue philol. Untersuchungen, fünftes Heft), Berlin, 1929.
  2. Il est, en particulier, fort hasardeux d’identifier avec l’auteur des étymologies mentionnées par Orion le célèbre disciple de Platon : des nombreux ouvrages que lui attribue Diogène de Laërte aucun, à en juger par les titres, n’avait trait à l’étymologie.
  3. Die sprachliche Forschung als Grundlage der Chronologie der platonischen Dialoge and des « Kratylos » (Sitzungsber. d. Akad. der Wissensch. in Wien, phil.-hist. Klasse, 210 Band, 4 Abh., 1929, p. 21 et suiv.).
  4. Steiner, Die Etymologien in Platons Kratylus (Archiv f. Geschichte der Philosophie, N. F., XXII, 1916, p. 125 et suiv.), estime que dans cette partie c’est lui que Platon a en vue.